mercredi 27 avril 2011

Le réformisme au Québec

En 2006 des indépendantistes de gauche et des altermondistes ont créé « Québec solidaire ». Lors des élections provinciales de décembre 2008 un de leurs candidats était élu. A la fin du mois dernier le parti a tenu un congrès de réflexion sur son programme.

Un des documents de base était un manifeste publié le 1er mai 2009, intitulé « Pour sortir de la crise : dépasser le capitalisme ? » dans lequel on lit:
« En élaborant notre programme, nous devons préciser la nature de ce système ainsi que ses limites et poser la question, à savoir si le capitalisme, basé sur la recherche du profit privé et sur l’exploitation irresponsable de la nature, n’est pas devenu l’obstacle principal au progrès social et à l’établissement d’un rapport sain avec l’environnement. Il faut donc un débat sérieux sur la question, afin de déterminer si les problèmes que nous vivons comme société peuvent être corrigés par des réformes qui respectent la logique de ce système, ou s’il faut adopter comme perspective son dépassement. »
Le capitalisme est bien « l’obstacle principal au progrès social et à l’établissement d’un rapport sain avec l’environnement ». Ceci étant, évidemment « les problèmes que nous vivons comme société ne peuvent être corrigés par des réformes qui respectent la logique de ce système ».

Mais voici le hic : ce passage laisse ouverte la possibilité qu’il pourrait y avoir d’autres réformes qui soi-disant ne respectent pas la logique du capitalisme. Autrement dit, que l’on pourrait dépasser le capitalisme progressivement par une série de réformes « anti-capitalistes » -- comme si les partis sociaux-démocrates d’autrefois ne l’avaient pas tenté et n’avaient pas échoué lamentablement. Non pas parce qu’ils n'étaient pas assez résolus dans leur anticapitalisme mais parce qu’aucun gouvernement ne peut faire marcher le système capitaliste dans l’intérêt de tous.

Finalement, ce ne sont pas ces partis qui ont changé le capitalisme. C’est l’inverse qui s’est produit: le capitalisme les a changés en simples gérants du système.

dimanche 17 avril 2011

Ils ont raison (7)

Gustave Rodrigues dans Le Droit à la vie (1934).
Supprimons la monnaie !

Mais l’effet le plus remarquable du progrès technique, c’est de faire sortir du cercle du commerce et des échanges un grand nombre des biens qu’il contenait originairement parce qu’ils étaient rares et qui tendent à s’en évader à mesure qu’ils abondent. Comme ce changement date d’hier, nous nous en rendons difficilement compte. Mais de jour en jour il s’impose davantage à notre réflexion. Et c’est lui qui nous apporte la seule solution rationnelle du problème.

Qu’on nous permette une anticipation qui, à notre sens, ne devance que de fort peu les réalisations futures. Imaginons que brusquement l’homme cesse de produire en vue de profit et qu’il se propose uniquement la satisfaction des besoins. Du coup les perspectives économiques sont changées. Il ne s’agit plus d’accaparer la production pour le compte de quelques-uns, ce qui conduit à la raréfier, mais de la distribuer aussi largement que possible à tous, ce qui amène à l’intensifier. L’abondance cesse d’être une catastrophe pour devenir un bienfait. Il n’y aura plus d’autre limite à la production que l’assouvissement complet de tous les désirs de tous, ce qui pratiquement entraîne un formidable développement du machinisme, une hausse immédiate du niveau de la vie générale.

Ce jour-là pourrait et devrait être proche, disons plus, si l’humanité était compréhensive elle devrait déjà l’avoir atteint. Les technocrates américains prétendent qu’on pourrait dès maintenant faire de chaque Américain moyen—et quel est l’Américain qui n’appartiendrait pas à la moyenne?—si les machines des Etats-Unis donnaient le plein de leur production, un individu disposant de 20.000 dollars par an (le dollar étant compté à vingt-cinq francs), soit 500.000 francs de notre monnaie. Mais ce n’est là à notre sens qu’une façon de s’exprimer, car le jour où il en serait ainsi il ne serait plus question de monnaie.

Devant cette profusion des produits qui comblent tous les besoins et tous les désirs humains, il ne s’agit plus ni d’acheter ni de vendre, mais de prendre. Comment parler encore d’échange là où pratiquement tout se trouve à la disposition de tous? L’échange ne se conçoit qu’entre gens dont l’un désire ce qu’il n’a pas et qu’un autre possède, celui-ci désirant, directement ou indirectement, ce que le premier détient et que lui-même n’a pas. C’est dire que tout échange et donc toute tractation en argent suppose un manque, une privation, en un mot une pauvreté. Là où il existe un trop-plein, il n’y a plus à qu’à distribuer.

Et à distribuer gratuitement. Voilà le grand mot lâché. De prime abord, il surprend et même il indigne. Comment? Vous allez me délivrer pour rien ce que je désire? Mais parfaitement, du moins dans la mesure où la chose est possible. Vous le recevrez pour rien dès l’instant qu’il y aura de quoi satisfaire également pour rien à des désirs analogues exprimés pour tous les autres. La limitation et le rationnement ne subsisteront que dans les domaines de la production où il ne sera pas encore possible d’avoir autant qu’il faut et plus qu’il ne faut pour tous.

Il importe de nous familiariser au plus vite avec ces idées neuves qui bouleversent de fond en comble nos anciennes manières de voir. Le passage du rare à l’abondant entraîne logiquement celui du payant au gratuit. Une politique de la hausse des prix, telle que la préconise et la pratique Roosevelt, est proprement insensée et contraire à ce qu’il y a par ailleurs de neuf et de hardi dans ses conceptions. Le vrai, c’est qu’on doit finalement aboutir à la suppression des prix.

samedi 9 avril 2011

Un autrement au sein de l'économie ?

Les « alternatifs » proposent une économie alternative basée sur des cooperatives. Ils aimeraient croire que la concurrence, qui pousse à la production, n'existe pas pour eux, que la croissance économique ne les concerne pas. Et pourtant si « l'economie alternative » veut être encore présente dans quelques années, elle doit être concurrentielle.

Les coops c'est pas nouveau. Elles ont fonctionné en grand nombre et longtemps. Cela n'a pas empêche le système capitaliste d'imposer sa façon de produire, de consommer, de travailler, de nous modeler.

Les coops traditionnelles ont abandonné bien vite leur projet de changer le système économique et petit à petit, elles ont même abandonné le fait que la coopération pourrait être un moyen de changement social. Talonnées par la concurrence, les vieilles coops ont abandonné leurs idées du début... Hors du système pas de salut disent-elles aujourd'hui.

Les coops ont été les enfants de la misère. Aujourd'hui, elles sont prospères ou elles ont disparu. La vieille coop avait pour objectif de combattre les conditions de vie misérables des ouvriers. Aujourd'hui, elle offre des services et agit comme d'autres boîtes purement capitalistes. Elle se défend en disant que son credo n'est pas le profit mais bien le service et les avantages aux coopérateurs.

La rentabilité grignote/bouffe les rêves, les beaux espoirs. Même pour les alternatifs, c'est profit ou faillite.

« L'économie alternative » va jusqu'à créer des banques à but non lucratif. Cette économie dite marginale est fidèle au système, elle s'harmonise avec la « nouvelle » croissance industrielle née de la crise.

Nous sommes d'accord avec les alternatifs qui souhaitent une société non marchande, une société vraiment démocratique où le pouvoir sera aux populations, où les moyens de production, de distribution, de service seront propriété de tous et non aux mains d'une poigne de privilégiés. Une société sans argent, sans salariat.

Mais que ces alternatifs ne s'imaginent pas qu'ils sont en train du haut de leurs nouvelles coops de vivre cette nouvelle société.

Toutes les réalités sociales sont dépendantes de l'économie capitaliste. Le politique, le juridique, le militaire, le religieux, le syndical sont dépendants de l'économie. Notre travail - ou notre non travail si nous sommes sans emploi - dépend bien sur de l'économie.

Le capitalisme est international, il est partout. Il n'existe pas d'économie non marchande. Il n'y a partout qu'une économie. Les alternatifs et « leur économie » ne commandent rien, n'actionnent pas les leviers du pouvoir, ne sont pas maîtres du grand capital.

L'économie ne se laissera jamais envahir par la coopération. Ni par la coop de distribution - que faire face à un monstre tel que Carrefour, Leclerc, Auchan ? - Ni par la coop des services. Ni surtout par la coop de production. Le fait que les coopérateurs possèdent leur entreprise n'y change pas grand-chose. Ce ne sont pas des buts comme la défense de l'emploi, le désir de changement social, l'organisation différente du travail qui vont effaroucher le capital... qui sait être souple tout en restant dur dur.

Sont-ils à côté du capitalisme ou en son sein ? Ou les deux à la fois ? Y a-t-il deux ordres économiques ? Un bon (sic) dans lequel la personne aurait la place centrale ? Et un mauvais dans lequel le capital aux dents longues a la place centrale ! Allons, allons un ordre coopératif moralisateur au sein du système n'existera jamais. Un peu de sérieux. Mister cash ricane deja.

Une autre économie ? Une économie souterraine ? Une économie à deux vitesses ? Non. Il ne peut y avoir d'économie alternative dans ou à côté de la belle grande économie capitaliste. Les « indépendants collectifs » (c'est de ça qu'il s'agit) sont dans le marché de la concurrence - nombre d'entre eux font du travail productif - ils sont dans les chiffres d'affaires, dans les campagnes publicitaires, les études de marché, les garanties bancaires, les coûts de revient, la politique a suivre, la marge commerciale, les bénéfices, les statistiques de vente, la zone rentable, le canal de distribution, le capital... même que le capital coopératif n'est pas considéré comme un placement spéculatif. Un autrement au sein de l'économie ? Allons, allons.

vendredi 1 avril 2011

L'obsolescence programmée

En septembre Les Amis de la Terre France et le Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid) ont publié une étude sur L’obsolescence programmée dans le domaine des produits électriques et électroniques. Dans son livre sur le même sujet, L’Art du gaspillage, paru en 1960, Vance Packard a cité une déclaration de Brooks Stevens, un célèbre esthéticien industriel de l’époque :
Tout le monde sait bien que nous écourtons volontairement la durée de ce qui sort des usines, et que cette politique est la base même de notre économie. Nous fabriquons d’excellents produits, nous incitons les clients à les acheter … et l’année suivante nous y introduisons délibérément un élément nouveau qui fera paraître ces articles vieillots, démodés et désuets. … Ce n’est pas du gaspillage organisé. C’est une saine contribution à l’économie du pays.
Une contribution peut-être à une économie où on produit pour vendre en vue de profit financier, mais une folie dans un système où on produit pour la satisfaction directe des besoins sans vente et donc sans argent.

Toutefois Stevens exagérait en suggérant que le "planned obsolescence" soit "la base même de notre économie", même si le gaspillage organisé qu’elle représente est bien un produit du système capitaliste.

Les choses n’ont pas changé beaucoup 50 ans plus tard, comme les extraits du rapport des Amis de la Terre et du Cniid montrent:
Les différentes formes d'obsolescence programmée

II existe une multitude de techniques pour raccourcir la durée de vie des produits. Elles peuvent être d'ordre technique ou technologique, ou d'ordre psychologique (l'obsolescence esthétique ou psychologique).

L'obsolescence technologique ou technique
L'obsolescence technologique (ou technique) est l'ensemble des méthodes techniques pour avancer la fin de vie d'un appareil. Moins de la moitié des appareils qui tombent en panne sont réparés : 44 % selon une étude de l'ADEME. Dans la plupart des cas, les appareils sont jugés obsolètes avant même d'être emmenés chez le réparateur et mis au rebut. Selon la dernière enquête de fiabilité d'UFC Que Choisir, depuis 2005, les constructeurs d'électroménager ne se sont pas améliorés sur les taux de pannes. Selon nous, ces mauvais « scores » s'expliquent en partie par les différentes techniques pour rendre « irréparables » les produits.

Des pièces détachées de moins en moins disponibles
Les pièces de rechange sont difficiles à se procurer et sont coûteuses (notamment du fait des coûts de stockage et de gestion). La spécification des pièces explique en grande partie ce phénomène de raréfaction. Il a été constaté dans une étude conduite pour l'ADEME que la disponibilité des pièces de rechange est aujourd'hui problématique, elle se serait dégradée depuis dix ans. (…)

Des produits indémontables

Bon nombre de produits de haute technologie sont quasi indémontables voire pas du tout (…)

Il a été constaté que même certaines pièces des appareils électroménagers (ou produits blancs) mis sur le marché, notamment des chauffe-eau, sont aujourd'hui directement moulées dans du plastique et ne sont ni démontables ni réparables.

Des réparateurs d'Emmaùs nous ont signalé l'apparition, ces dernières années, d'appareils dont les parties externes sont moulées et qui donc, une fois cassées, ne sont ni démontables ni réparables. Ainsi, nous avons pu observer des réfrigérateurs avec le joint directement serti dans la porte ce qui le rendait plus difficilement démontable que s'il était doté de simples vis.

(…)

Des appareils moins robustes

La recherche du bas prix se fait au détriment de la solidité et de la qualité des appareils. Flagrante pour d'autres biens de consommation courante comme le textile, elle touche également les biens électroménagers : certains tambours de lave-linge ne sont plus fabriqués en métal aujourd'hui mais en plastique, ce qui augmente leur fragilité. L'accès de tous aux équipements électriques et électroniques occasionne ainsi une baisse de qualité et une durée de vie plus restreinte des appareils. Cela se solde une importante production de déchets.”

L’étude appelle
à concevoir des produits combinant notamment les critères suivants :
durables et fiables ;
réparables (accès facile et disponibilité rapide des pièces détachées) ;
capables d'intégrer des innovations ;
compatibles pour que les pièces soient facilement réutilisables.”
Il n’y a aucune raison technique qui empêche de produire de tels appareils électroménagers - sauf que, au sein du capitalisme, ce ne sont pas des produits simplement à utiliser qu’on produit, mais des marchandises à vendre sur un marché en vue des profits.