lundi 30 juin 2008

La gauche « antilibérale »

Avant le 2nd tour des élections présidentielles 2007, le MEDEF, organisation caritative bien connue, avait annoncé qu’il ne donnerait pas de consignes de vote en faveur des deux candidats restants, ces derniers « étant favorables à l’économie de marché », c-à-d. pour appeler les choses par le nom, au capitalisme. Une façon comme une autre d’affirmer qu’entre l’UMP et le PS, c’est bonnet blanc et blanc bonnet ; ce que tout salarié ayant connu des gouvernements des deux bords ne peut que confirmer.

La veille, et à sa façon, Arlette Laguiller ne disait pas autre chose lorsqu’elle déclarait : « Aussi bien Ségolène Royal que Sarkozy sont dans le camp du capital, dans le camp des spéculateurs, des exploiteurs et des licencieurs et en sont de bons et loyaux serviteurs » (22 avril 2007). Quel salarié quelque peu lucide ne peut être d’accord ?

Mais alors que, en toute logique, le patronat votait pour ses représentants, les candidats de la « gauche de la gauche » appelèrent à voter pour un « candidat du capital » !? Comment s’étonner que l’immense majorité des salariés soit complètement déboussolée ?

Qu’on l’appelle « économie de marché », « libéralisme économique », « libre entreprise » ou qu’on emploie tout autre euphémisme, le système social sous lequel nous vivons est le capitalisme. Sous celui-ci, les moyens de production et de distribution des richesses sociales – les moyens d’existence de la société – sont la propriété exclusive d’une minorité parasite dominante – les détenteurs de capitaux ou classe capitaliste – au profit de laquelle ils sont inévitablement gérés (par des salariés !).

La gauche « antilibérale » critique ce système mais ne propose que des réformes qui permettent, intentionnellement ou non, de le perpétuer. Tenter d’aménager ce système en faveur des salariés, d’en adoucir les effets, en un mot, de l’« humaniser », c’est demander à un tigre de brouter du gazon.

Nous ne mettons pas en doute la sincérité de la majorité des militants de cette gauche radicale, mais nous mettons sérieusement en doute l’efficacité de leurs propositions.

Depuis plus d’un siècle que les réformistes ont eu la possibilité d’en finir avec les problèmes du capitalisme (chômage, précarité, pauvreté, insécurité, pénurie de logements ici, malnutrition, famine, guerre ailleurs), et en dépit de l’infinité de gouvernements de toutes tendances qui se sont succédés dans le monde au cours du 20ème siècle, non seulement ces problèmes n’ont pas disparu, mais ils se sont aggravés et d’autres, dont on a déjà parlé, sont venus se greffer. En outre, les réformes si difficilement obtenues sont remises en cause par le premier gouvernement « libéral » venu (recul de l’âge de la retraite, diminution des indemnités de chômage, déremboursements de la sécurité sociale, etc.), en attendant la remise en cause de la semaine de 35 heures et autres gâteries.

Pour en finir avec les problèmes qui nous accablent, ce n’est pas d’une augmentation du SMIC ou de toute autre mesure humanitaire dont nous avons besoin, pas plus que de mesures utopiques et inefficaces, telle l’« interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des profits » (José Bové et L.C.R.) ou, dit autrement, l’interdiction de « tout licenciement collectif aux grandes entreprises sous peine de réquisition, c’est-à-dire d’expropriation sans rachat ni indemnité » (Arlette Laguiller). Bien avant qu’un candidat porteur de cette revendication eût passé la porte de l’Élysée, les actionnaires et propriétaires des entreprises visées les auraient délocalisées, mettant ainsi sur la paille des centaines de milliers de salariés.

Par définition, le capitalisme ne peut fonctionner que dans l’intérêt des capitalistes. Une constatation s’impose donc : aucun aménagement, aucune mesure, aucune réforme, n’ont pu (et ne le pourront d’ailleurs jamais) subordonner la propriété privée capitaliste à l’intérêt général et, donc, changer quoi que ce soit à la position de soumission de la majorité salariée aux intérêts égoïstes de la minorité possédante. Instruits des erreurs passées, et soucieux de ne pas les reproduire, les socialistes proposent, comme seule solution réaliste et immédiate, l’instauration de la propriété sociale (d’où le nom de socialisme) des moyens d’existence de la société, de manière à assurer leur gestion par (et, donc, dans l’intérêt de) la collectivité tout entière.

vendredi 27 juin 2008

On nous critique

Dans son nouveau livre Quel autre monde possible ? Retour sur le projet communiste Claude Bitot lance une attaque tout azimuts contre le “socialisme abondanciste” et plaide pour un retour au communisme “rude et austère” de Gracchus Babeuf de 1795. Il nous prend, à côté de Marcuse, Vaneigen et autres, comme exemple de ce “socialisme abundanciste”:

En 1981, le groupe anglais Socialisme Mondial affirmait que " grâce au capitalisme, la technologie et la production ont atteint un tel niveau qui permettrait de produire l'abondance pour tous. Une société d'abondance est technologiquement possible depuis longtemps et c'est ce qui constitue la base matérielle qui permettrait d'établir le socialisme ". (page 69)
Plus tard il conscacre trois pages à ironiser sur notre position en la caricaturalisant:

Ce qui en réalité se passait c'était que le capitalisme avec son consumérisme avait coupe l'herbe sous le pied à tout le socialisme abondanciste qui avait cours depuis des lustres, ce qui obligeait celui-ci à se faire ouvertement un partisan du capitalisme, un apologiste de " l'économie de marche ", de " l'entreprise ", comme le montra bien le virage idéologique que prit la gauche à partir des années 1980. Très fort le capitalisme ! il avait amené ses ennemis supposés sur les mêmes positions que lui, ce qui fait qu'ils n'avaient plus de projet socialiste du tout et que l'électeur moyen se demandait bien ce qui séparait la gauche de la droite. Le capitalisme avait tellement coupe l'herbe sous le pied à tout le monde que même parmi ceux qui, ici et là, continuaient à se prétendre vraiment socialistes, (c'est-à-dire voulaient en finir avec la propriété, les rapports marchands, l'argent, mais tout en restant des abondancistes à tout crin), voyaient leur discours sonner désormais complètement faux. Ainsi, pour prendre un exemple, celui du groupe se disant le Parti Socialiste de Grande-Bretagne, dont nous allons dire quelques mots, tant sa posture était tout à fait caricaturale.

Dans une brochure parue en français en 1981, il commençait par une critique du salariat en nous le présentant comme s'il était encore celui du 19eme sicle : " Le système du salariat, pouvait-on lire, est une forme de rationnement. II restreint la consommation du salarie à ce dont il a besoin pour se rendre apte au travail. [...] II est donc évident que le salaire d'un travailleur ne peut jamais arriver à dépasser de beaucoup la somme dont il a besoin pour se maintenir en état de travailler ". Et ça continue comme ça durant presque deux pages. Donc pour le PSG-B le travailleur avec frigo, télé, bagnole et parfois petit pavillon de banlieue, connais pas ! Le salaire réduit au seul élément physiologique absolument nécessaire au fonctionnement de la force de travail, on croit rêver ! C'est à croire que l'impitoyable " loi d'airain du salaire " encore plus ou moins à l'oeuvre en 1881, serait toujours en vigueur en 1981 ! Dans cette description du salariat la société de consommation est totalement absente. Sans doute n'a-t'elle existé en Grande-Bretagne que pour quelques lords... En fait, une telle vision misérabiliste du salaire a une fonction bien précise : faire croire que le réformisme n'aurait eu aucun impact (" futilité du réformisme " est-il dit), ce qui évidemment est tout à fait faux (cela d'autant plus que l'Angleterre fut la première a avoir invente et expérimente l'Etat-providence "), de façon a créer un contraste saisissant entre un mendiant capitalisme qui avec le salariat " rationne ", réduit le travailleur à " ce qu'il a besoin pour se maintenir en état de travailler ", et un socialisme qui sera " l'avènement d'une société d'abondance ", qui permettra " de s'offrir ce qui se fait de mieux ". Voilà de quoi allécher le chaland ! Car avec un socialisme d'un tel calibre " tout le monde pourra prendre gratuitement et selon son choix individuel ce qui lui sera nécessaire pour vivre et mener une vie heureuse ". Le bonheur dans la consommation en somme ! Et sans crainte qu'il pourrait s'interrompre car " on pourra facilement faire en sorte que les magasins soient toujours bien pourvus de ce que les gens veulent ". A la bonne heure ! voila qui est rassurant. Mais que voudront-ils ? Là-dessus on ne nous renseigne pas trop, bien que l’on nous dise qu'ils disposeront " de ce qui se fait de mieux dans le domaine de la nourriture, de l'habillement, du logement, des distractions, des voyages ". Espérons tout de même que " les gens " ne voudront pas encore plus de voitures, de jeux vidéos de matchs de foot, de caméscopes, d'appareils photos numériques, de fours à micro-ondes, d'instituts de bronzage, de voyages aux Bahamas, on en passe et des meilleurs... Mais n'attendons pas du PSG-B qu'il nous fasse une critique de la société de consommation, puisque pour lui elle n'existe pas, elle est seulement en devenir, avec le socialisme qui sera " l'avènement d'un monde d'abondance pour tous ". Et aucune crainte qu'il n'y en ait pas assez pour tout le monde, le capitalisme ayant oeuvre pour cela, auquel d'ailleurs on ne manque pas de rendre hommage : " Grâce au capitalisme la technologie et la productivité on atteint un niveau qui permettrait de produire l'abondance pour tous ".

Seulement voila, malgré ce beau programme offert en guise de perspective aux masses, le PSG-B n'a eu aucun succès auprès d'elles, il est reste une petite secte sans importance, et pour cause : il ne pouvait en être autrement, vu que c'était le capitalisme lui-même qui avait réalisme ce qui constituait la substantifique moelle de son programme, " l'abondance ", d'une manière imparfaite certes, mais suffisante quand même, pour qu'on s'épargne la peine d'écouter ses vieux radoteurs venant parler de " socialisme mondial ".

C'est le capitalisme, aide de ses collabos sociaux-democrates et autres gens de " la gauche de la gauche ", encore plus réalistes, plus terre-à-terre que le PSG-B, qui avaient l'oreille des masses. (pages 241-3)
Pour une réponse à Bitot voir http://proletariatuniversel.blogspot.com/2008/05/bitot-abandonne-le-marxisme-quel-autre.html. Nous réservons la nôtre pour plus tard.

mercredi 25 juin 2008

Manifester . . . jusqu’à quand ?

Manifester, manifester, encore manifester, toujours manifester… Il est vrai que les motifs de grogne, de mécontentement, de colère… ne manquent pas ; mais ils ne manquaient pas non plus aux générations qui nous ont précédées. Or, à combien de manifestations, de grèves plus ou moins générales, d’occupations d’usines, de lycées et de facs, de pétitions, de sit-ins, etc. nous et nos aïeux avons déjà participé sans que la situation des salariés et de leurs enfants ait fondamentalement changé.

La pauvreté, le chômage, les inégalités sociales, la pénurie de logements, etc. sont des problèmes auxquels les partis « socialistes » du monde entier, depuis plus d’un (trop long) siècle, ont tenté d’apporter une solution. Mais, non seulement ces problèmes sont-ils toujours présents sinon que les réformes mises en place par les gouvernements réformistes d’hier sont remises en cause par les réformateurs d’aujourd’hui. Quelle meilleure preuve de l’inanité, de la futilité des réformes que la permanence de problèmes qui existaient déjà il y a cent ans et plus ?

En effet, comment concevoir un capitalisme qui fonctionne autrement que dans l’intérêt des capitalistes ? La société actuelle est basée sur le monopole des moyens de production et de distribution des richesses sociales par la petite minorité capitaliste, lequel monopole débouche sur le despotisme économique de la classe capitaliste et, par conséquent, sur l’esclavage salarié. Or, tous les partis politiques actuels, qu’ils soient de gauche ou de droite, d’extrême gauche ou d’extrême droite, proposent des réformes du capitalisme qui ne touchent pas à la propriété privée capitaliste, oeuvrant par là, volontairement ou non, à la perpétuation de la cause des problèmes sociaux :

« La possession des instruments de production et des ressources naturelles de la planète par une minorité de la population mondiale crée les graves problèmes sociaux auxquels nous sommes confronté aujourd’hui et contre lesquels les réformistes luttent constamment. Du fait que ces derniers acceptent le statu quo, ils sont condamnés, tel Sisyphe, à pousser une charge importante en haut d’une colline pour la voir immanquablement redescendre.» (Parti Socialiste du Canada, Toronto The Good, in Wage Slave News, 28 octobre 2007)
(www.worldsocialism.org/canada/toronto.the.good.20071028.htm)

Voilà pourquoi, aucune réforme, si avantageuse soit-elle pour les salariés, chômeurs, lycéens, étudiants et leurs familles ; aucune manifestation, si bien suivie soit-elle ; aucune consigne de vote contre un gouvernement quel qu’il soit, si massive soit-elle, ne résoudra les problèmes auxquels nous sommes confrontés, pour la simple raison qu’elles ne s’attaquent pas à la propriété privée capitaliste.

Cela veut-il dire qu’il faut renoncer à toute résistance, qu’il faut supporter les attaques du patronat et de ses représentants au Parlement et à l’Élysée sans réagir ? En réponse à cette question, un vieux barbu quelque peu oublié aujourd’hui affirmait :

« telle étant la tendance des choses dans ce régime, est-ce à dire que la classe ouvrière doive renoncer à sa résistance contre les atteintes du capital et abandonner ses efforts pour arracher dans les occasions qui se présentent tout ce qui peut apporter une amélioration temporaire à sa situation ? Si elle le faisait, elle se ravalerait à n’être plus qu’une masse informe, écrasée, d’êtres faméliques pour lesquels il n’y aurait plus de salut. […] Si la classe ouvrière lâchait pied dans son conflit quotidien avec le capital, elle se priverait certainement elle-même de la possibilité d’entreprendre tel ou tel mouvement de plus grande envergure.
En même temps, et tout à fait en dehors de l’asservissement général qu’implique le régime du salariat, les ouvriers ne doivent pas s’exagérer le résultat final de cette lutte quotidienne. Ils ne doivent pas oublier qu’ils luttent contre les effets et non contre les causes de ces effets, qu’ils ne peuvent que retenir le mouvement descendant, mais non en changer la direction, qu’ils n’appliquent que des palliatifs, mais sans guérir le mal. Ils ne doivent donc pas se laisser absorber exclusivement par les escarmouches inévitables que font naître sans cesse les empiétements ininterrompus du capital ou les variations du marché.
» (Karl Marx, Salaire, prix et profit. Chapitre La lutte entre le Capital et le Travail et ses résultats, 1865)

Ce dont nous devons prendre conscience, c’est que nous les salariés et nos familles formons l’immense majorité de la population. Cependant, divisés en nations, partis, syndicats et religions concurrents, nous sommes condamnés à subir les attaques du gouvernement en place. En outre, voter pour des partis capitalistes, quelle que soit leur couleur politique, puis se plaindre de, ou manifester contre, leurs attaques, où est la logique ?

Aussi, parce que l’union fait la force, ce dont nous avons besoin, c’est d’un mouvement qui rassemble tous les salariés et qui se fixe comme objectif unique et immédiat, le remplacement de la propriété privée des moyens d’existence de la société par la propriété sociale, de manière à les gérer, non plus dans l’intérêt égoïste d’une minorité privilégiée, mais dans l’intérêt général.
Alors seulement serons-nous en mesure de réaliser un monde dans lequel le système actuel des États rivaux sera supplanté par une communauté mondiale sans frontières, le rationnement de l’argent et du système du salariat par le libre accès aux richesses produites, la concurrence par la coopération et la division de la société en classes sociales aux intérêts opposés par l’égalité sociale.

lundi 23 juin 2008

La faim mondiale, pourquoi?

Joseph Klatzmann, ancien professeur d’économie à l’Institut national agronomique et auteur de livres tels que Nourrir dix milliards d’hommes ? et Surpopulation : Mythe ou Menace ? vient de mourir. Voici des observations sur le même thème.

Il est généralement connu aujourd'hui que plus que 1.4 milliard de personnes vivent en-dessous du seuil de pauvreté. Plus que 500 millions souffrent de la faim, nous dit l'ONU, et chaque jour 40.000 enfants meurent de faim. Pourquoi ?

Est-ce qu’il n'y a pas assez de nourriture ? Non. La terre produit assez de nourriture pour donner à chacun sur la planète 3,000 calories par jour.

Est-ce qu’il y a un trop grand nombre de personnes ? Non. L’Afrique, où des millions ont toujours faim, a une densité de population de moins de 50 habitants au kilomètre carré.

Les pays qui sont en voie de développement ont été forcés de cultiver pour l'exportation. Par conséquent, la terre qui doit les nourrir produit pour les marchés européens et nord-américains.

C'est en effet le marché mondial qui règne sur la Terre. Agissant comme une force naturelle hors du contrôle humain, il a plus de pouvoir que tous les gouvernements nationaux, et les forces gouvernementales sont obligées de lui obéir, qu'elles le veulent ou non.

Le marché crée une rareté artificielle et un gaspillage organisé qui sont responsables pour la pauvreté et la faim dans le monde d'aujourd'hui. La loi qui gouverne la production partout, c'est “pas de profit, pas de production”.

La malnutrition et la famine, ce n'est dès lors pas un problème naturel, mais social. Sa cause n'est pas à trouver dans un manque de ressources naturelles mais dans la façon dans laquelle la société est organisée.

Le sort de la majorité dans la société mondiale peut être nettement amélioré en remplaçant le système économique d'aujourd'hui - le capitalisme - par un système de possession commune et de contrôle démocratique des moyens de vivre par tous. Un tel système permettrait l'usage des ressources de la planète pour abolir la misère et la pauvreté mondiale, au moyen de l'institution de la production directement pour l'usage et le besoin, au lieu que ce soit pour la vente et le profit. Malthus et ceux qui parlent de "surpopulation” nient la possibilité d'une telle mesure.

La chose à remarquer ici, c'est que la population considérée comme "excessive" ce n’est jamais celle des académiques biens payés qui parlent de la "surpopulation", mais ceux qui sont assez malheureux d'être nés pauvres et sans accès aux moyens de combattre leur pauvreté.

Les familles nombreuses ne sont pas la cause de la pauvreté. Bien des familles plus petites ainsi que des célibataires sans personne à charge souffrent aussi de la pauvreté alors que les riches et les privilégiés, que leurs familles soient grandes ou petites, ont toujours pu échapper à la misère et aux privations endurées par les pauvres. Aussi, une “augmentation zéro” de population ne mènera pas davantage automatiquement à une amélioration de la vie de la majorité sans propriété. L'histoire de l'Irlande en est la preuve. À la fin du XIXe, la population était moins de la moitié de celle du début du siècle, mais la majorité restait pauvre et l'économie relativement sous développée.

Il faut comparer tout cela avec les forces contradictoires qui opèrent dans la société capitaliste. La crainte des “dangers” de la surpopulation alterne avec celle d’un déclin d’une population qui reste toujours opportune pour des marchés potentiels et pour le service militaire, nécessaire pour défendre les sources de profit de la classe régnante dans les guerres causées par le capitalisme.

La situation en Afrique est le résultat de l'économie capitaliste mondiale. La production pour le profit dévaste les forêts d'une manière bien plus prédatrice que l'agriculture paysanne. L'agriculture capitaliste rapace exile le paysan dans des terres périphériques, qui se réduisent rapidement en désert. On ne peut pas considérer l'Afrique séparément du reste du monde. Un système socialiste mondial donnerait à tous l'accès à la nourriture et aux moyens de la produire. On pourrait résoudre l'insuffisance locale au moyen des réserves mondiales.

L'humanité a déjà développé des technologies qui assureraient à tout le monde sur la Terre une vie heureuse et, en même temps, la santé de la planète et de l'environnement naturel. Dès que la majorité comprendra la nécessité d'une révolution sociale, et dès qu'elle entreprendra l'action politique et démocratique pour conquérir l'État, l'utilisant comme le moyen de nous libérer des dangers qui nous menacent, cette technologie peut aussi être libérée.

On sait depuis très longtemps que la Terre peut produire bien plus de nourriture qu’il n’est nécessaire pour tous. Dans son livre Nourrir dix millions d’hommes? Joseph Klatzmann a écrit:

“L’analyse des possibilités de l’agriculture moderne a montré que le problème alimentaire mondial est techniquement soluble. On est à coup sûr très prudent si l’on affirme que la production alimentaire mondiale pourrait être au moins quadruplée” (2e édition, 1983, page 247)

L’aspect technique (comment produire assez de nourriture pour tout le monde) a depuis longtemps cessé à être un problème. Le vrai problème, c'est comment organiser la société humaine pour permettre la production et la distribution nécessaire? Le Mouvement pour le Socialisme mondial dit que le seul système social qui puisse assurer cela est un système dans lequel la production est entreprise uniquement pour la satisfaction des besoins, sur la base d’une possession des ressources mondiales par tous les habitants du monde, par la société entière.

Aujourd'hui, en régime capitaliste, la nourriture n'est pas produite pour satisfaire les besoins humains, car les ressources de la Terre ne sont pas la possession de l’espèce humaine, mais seulement d'une minorité privilégiée. Il est impossible de le nier, car, malgré le fait qu'il y a la possibilité de nourrir tout le monde, des millions sont mal-nourris et des millions meurent de faim. La nourriture (comme tous les autres produits) est produite pour être vendue au marché (c'est à dire de nos jours le marché mondial) en vue de réaliser des profits. Les millions qui sont mal-nourris et qui meurent de faim ne constituent pas un marché, car ils ne peuvent pas payer pour la nourriture dont ils ont besoin. Alors, on les laisse mourir.

Le capitalisme heurte ici un vrai problème: comment nourrir le monde ? Les contraintes du système de profits rendent impossible une production raisonnable et saine.

La production agricole en régime capitaliste peut amener à de violents bouleversements des prix. Une bonne récolte entraîne une chute des prix, une mauvaise une hausse. On s’efforce alors de contrôler les prix en limitant la production. Cette loi est appliquée à la nourriture et aux minéraux - le blé, le riz, le sucre, le café, le cacao, le sisal, le soya, le caoutchouc, l‘étain, le cuivre, etc.

Lorsque les choses ne marchent pas, nous voyons à quel point le capitalisme est féroce. C'est ainsi que nous entendons parler d'une excellente récolte dépeinte comme “un désastre”, de "surplus catastrophiques”, et du “problème” de la “surpopulation”. Dans un monde où des millions manquent de nourriture, comment peut-on dire qu’il y a un surplus, une surproduction de nourriture ? Mais pour les capitalistes c'est une catastrophe, un problème, car on a produit plus que ce que le marché ne peut absorber. Les prix tombent, et ils perdent non seulement leurs profits mais aussi un peu de leur capital. Quant aux petits fermiers, ils sont souvent ruinés.

Voici le paradoxe de la pauvreté en milieu d'abondance à laquelle le capitalisme répond non pas en donnant le surplus aux pauvres, mais en le détruisant, pour augmenter les prix et regagner des profits. Nous lisons dans les journaux qu’il y a des surplus gigantesques de fruits et de légumes détruits ou abandonnés; des centaines de tonnes de tomates jetées, à cause du "surplus de tomates" ; du lait versé dans les mines; du fromage et du beurre (même le lait écrémé, facile à transporter) donnés aux cochons. Voilà ce qui se passe régulièrement en régime capitaliste.

Les exemples les plus révélateurs sont les énormes destructions qui se produisent de temps en temps. Avant la 2e guerre mondiale le Brésil fut le premier en brûlant le café. Dans les années 1930 les États-Unis ont mis en place une politique de subventions incitant les fermiers à ne pas produire. Le résultat, bien sur, était le même qu’une destruction délibérée. Les contraintes artificielles étaient imposées sur les réserves de nourriture. Cette pratique continue de nos jours. Le Président Kennedy l'a appelée “la sous-production délibérément planifiée et financée”.

Le capitalisme est dès lors responsable des millions de morts de faim. Étant donné la technologie moderne, la famine est évitable. Là où la famine existe, il faut blâmer le système social qui est incapable de satisfaire les besoins humains. Ce n’est pas la surpopulation qui est responsable, c'est sous-production chronique et souvent délibérée qui est inséparable du système capitaliste. Ce n’est que lorsque les contraintes du capitalisme sur la production seront brisées par l'établissement d'un système où les moyens de vivre sont dans les mains de tous, que l'humanité pourra mettre un terme à la famine.

Non seulement le capitalisme est un système de rareté artificielle, mais c'est aussi un système de gaspillage organisé. L'exemple le plus évident c'est l'énormité des fonds employés dans les forces armées et le développement d’armes de guerre les plus atroces. Le capitalisme est ici responsable de détourner le travail de millions de personnes vers des tâches qui seraient inutiles dans une société saine, une société organisée en accord avec la raison. Avec le capitalisme il y a non seulement le travail antihumain des militaires, mais aussi les emplois des employés de banque et de commerce, des financiers, des caissiers, des vendeurs, de tous ceux qui notent sur des ordinateurs les ventes et les profits, etc. : un nombre énorme de gens sont employés dans l'imbécilité des tâches liées aux ventes et aux achats, à la folie du marché.

Le socialisme, n’ayant aucunement besoin d’armées ou d’armes de guerre, dans lequel la production sera seulement pour l’usage et non pour la vente, libèrera le travail et les ressources qui sont à présent gaspillées par le capitalisme, pour nourrir le monde.

L’augmentation de la population n’est pas un obstacle à l’établissement du socialisme. La société socialiste emploiera les ressources de la Terre pour assurer à chaque homme, chaque femme et chaque enfant d’être bien nourri, habillé et logé. Pour le capitalisme c’est impossible. Le capitalisme n’est pas là pour ça !

mercredi 18 juin 2008

Pour une révolution majoritaire

Dans la conjoncture politique et industrielle moderne, la révolution socialiste ne peut aboutir sans la participation active et éclairée de l'immense majorité des salariés. Il est nécessaire que l'émancipation de l'humanité soit, selon le propos marxiste, le résultat de la volonté démocratique et majoritaire. Aucune minorité, qu'elle soit violente ou non violente ne peut s'y substituer. La plupart des théories "révolutionnaires" de nos jours cependant supposent qu'une minorité peut se trouver acculée à réaliser la révolution. Voyons pourquoi de telles théories sont fausses et dangereuses.

Les insurrections paysannes, dirigées par une minorité, ne peuvent pas conduire à l'élaboration d'une société socialiste débarrassée des clivages de classes. De telles insurrections amènent au pouvoir une nouvelle classe dirigeante comme on l'a vu en Chine, à Cuba et au Viet-Nam. Des penseurs tels que Mao, Guevara, Fanon et (pour un temps) Debray qui arboraient l'étiquette marxiste n'étaient absolument pas marxistes. De manière diverse, ils étaient tous partisans du gouvernement par une élite, mais se servaient d'un vocabulaire marxiste et de la révolution paysanne pour justifier (consciemment ou non) la domination présente ou future d'une élite. Tel n'était peut-être pas leur projet mais cela semble bel et bien le rôle objectif de la révolution paysanne et de ses idéologies.

Dans les pays hautement industrialisés une insurrection ne peut aboutir qu'avec le large soutien de la vaste majorité de la population (ou, du moins, grâce à sa neutralité passive) et qu'avec l'effondrement de l'appareil de répression de l'Etat. En l'absence de ces conditions, toute insurrection urbaine sera noyée dans un bain de sang. On l'a vu à Paris en 1871, à Dublin en 1916, à Shanghai en 1927, à Vienne en 1934 et à Varsovie en 1943 et 1944.

II est devenu au fil des ans de plus en plus difficile, si bien qu'il est maintenant presque impossible à une minorité de mettre en échec les forces de l'Etat. Il est évident que la technologie moderne et particulièrement les moyens de communication et de déplacement ont rendu cela plus difficile à accomplir, même avec une grève générale. L'usage d'engins tels qu'hélicoptères, bombes légères, gaz et napalm, sans exclure des défaillances dans le camp insurrectionnel, rend beaucoup plus coûteuse qu'il y a un siècle la lutte contre ces forces. Il est pertinent de rappeler qu'en 1895 Engels avait déjà souligné que les combats de rues étaient dépassés.

Une alternative stratégique pour une minorité activiste consisterait à mener une campagne prolongée de violence, de terrorisme et de sabotage (comme la bande à Baader en Allemagne et les brigades rouges en Italie) - ou même simplement de désobéissance passive civile - pour provoquer l'effondrement du mécanisme de l'Etat. Une telle stratégie conduirait plus probablement à l'avènement d'une dictature fasciste et, même en cas de succès, étant seulement l'oeuvre d'une minorité active conduirait en toute probabilité à la domination d'une nouvelle classe privilégiée comme dans le cas des insurrections paysannes.

Pour réussir, la révolution socialiste doit être démocratique et essentiellement non violente, entraînant la vaste majorité des travailleurs salariés car ils sont les seuls qui, vu leur rapport avec le fonctionnement de la société moderne, ont à la fois le potentiel nécessaire pour faire la révolution et la capacité de la conduire jusqu'au succès sur une base démocratique.

lundi 16 juin 2008