dimanche 27 juillet 2008

La plateforme du Socialist Party of British Columbia (1903)

Nous, le Socialist Party of British Columbia, réuni en convention, affirmons notre allégeance et appui aux principes et programmes de la classe ouvrière révolutionnaire internationale.

Le travail produit tous les biens, et, en toute justice, ils doivent appartenir au travail. Aux propriétaires des moyens de production appartiennent les produits du travail. Le système économique actuel est basé sur la propriété capitaliste des moyens de production; par conséquent tous les produits appartiennent à la classe capitaliste. Le capitaliste est le maître; le travailleur l’esclave.

Aussi longtemps que les capitalistes demeurent en possession des rênes du gouvernement tous les pouvoirs de l’État seront utilisés pour protéger et défendre leur droit de propriété des moyens de production et leur contrôle sur les produits du travail. Le système capitaliste donne aux capitalistes une marge toujours croissante de profits et donne aux travailleurs une mesure toujours croissante de misère et de dégradation.

Les intérêts de la classe ouvrière sont dans la libération de l’exploitation capitaliste par l’abolition du salariat. Pour accomplir ceci, il est nécessaire de transformer la propriété capitaliste des moyens de production en propriété collective ou propriété de la classe ouvrière. L’irrépressible conflit d’intérêts entre le capitaliste et le travailleur se transforme rapidement en lutte pour la possession du pouvoir gouvernemental. Le capitaliste lutte pour garder ce pouvoir; le travailleur lutte, lui, pour s’en emparer par l’action politique. Ceci est la lutte de classes.

Par conséquent, nous lançons un appel à tous les travailleurs à s’organiser sous la bannière du Socialist Party of British Columbia avec comme objectif la conquête des pouvoirs publics dans le but de mettre en pratique le programme de la classe ouvrière comme suit:

1) la transformation, aussi rapidement que possible, de la propriété capitaliste des moyens de production (ressources naturelles, usines, manufactures, chemin de fer,etc.) en propriété collective de la classe ouvrière.

2) L’organisation et la gestion démocratique et directe des industries par les travailleurs.

3) L’établissement aussi vite que possible de la production pour l’usage au lieu de la production pour le profit.

Le Parti socialiste, lorsqu’élu, devra toujours et partout jusqu’à ce que le présent système soit aboli, faire de la réponse à cette question sa règle de conduite: Est-ce que cette législation fait avancer les intérêts de la classe ouvrière et aide les travailleurs dans leur lutte contre le capitalisme? Si c’est le cas, le Parti socialiste est en sa faveur ; si ce n’est pas le cas, alors le Parti Socialiste est absolument opposé à cette législation.

En accord avec ce principe, le Parti socialiste s’engage à mener toutes les affaires publiques qui seront entre ses mains de manière à promouvoir les intérêts de la classe ouvrière uniquement.

(Le Socialist Party of British Columbia était un précurseur du Parti Socialiste du Canada, fondé en 1905)

dimanche 20 juillet 2008

Condamné au capitalisme à perpétuité ?

Il y a quelques années, un intellectuel américain, Francis Fukuyama, publiait un livre au titre provocateur, La fin de l’histoire. La thèse de son auteur, c'était que, en dépit de quelques aberrations, telles que le fondamentalisme islamique, le monde se dirigeait inexorablement vers un cul-de-sac consensuel, organisé autour des institutions de l'État démocratique et du "libre" marché. Dans sa vision du futur, Fukuyama ne laissait pas la moindre place à une possible alternative à la société capitaliste. Les seules allusions au "socialisme" ou au "communisme" se référaient (de manière prévisible) à des dictatures telles que la Chine ou la défunte URSS, dans lesquelles l'économie est (ou était) contrôlée par l'État et sa bureaucratie dirigeante, c'est-à-dire à une autre forme de capitalisme : le capitalisme d'État.

Pourtant, jamais le capitalisme n'a été capable de satisfaire les besoins individuels et collectifs de tous les habitants de la planète ; et ses effets sur la société et sur l'environnement n'ont jamais été aussi dévastateurs. Pour toutes ces raisons, une société administrée de façon démocratique et rationnelle par et pour ses membres - nous nous obstinons a l'appeler Socialisme -, et non, comme aujourd’hui, dans l'intérêt égoïste d'une minorité de parasites, est plus nécessaire que jamais.

L'établissement d'un tel système social n'est peut-être pas pour demain, il n'a rien non plus d'inéluctable, mais l'étendue de nos problèmes et le nombre toujours croissant de personnes qui en sont victimes ou insatisfaites, nous portent à croire que l'éternité du capitalisme n'est pas assurée. Après tout, l'Histoire ne nous montre-t-elle pas que jamais rien n'est définitif ? Il n'y a pas si longtemps, quel serf pouvait imaginer qu'un jour il serait libéré du joug du seigneur féodal ?

C'est de discipline, de subordination, d'obéissance, de docilité, de servilité, de "patience", de renoncement, de résignation... dont ce système a besoin pour se perpétuer, et c'est ce qu'attendent de nous ceux qui ont un intérêt ou un privilège à sauvegarder.

Affirmer qu'il n'y a rien à faire, que nous sommes condamnés au capitalisme à perpétuité, ou que nous avons atteint la "fin de l'Histoire", c'est accepter par avance tous les coups que ceux qui ont un intérêt au maintien du capitalisme vont nous porter ; c'est justifier la passivité et la soumission, et, par là, assurer malgré et contre nous la pérennité d'un système qui fonctionne au bénéfice d'une minorité parasite et prédatrice.

C'est pourquoi, nous nous devons, à nous-mêmes et à nos enfants, d'apprendre les leçons de l'Histoire, pour qu'elle ne se répète pas. Allons-nous gâcher le 21e siècle comme nous avons gâché le 20e ? Allons-nous accepter encore longtemps que, malgré le potentiel productif que nous avons atteint et la technologie actuelle, tant de besoins ne soient pas encore satisfaits ?

C'est nous, les salaries - l’immense majorité de la population - qui faisons tourner la machine. Prendre conscience de notre nombre et de notre force collective, de nos intérêts communs (et opposés à ceux de nos patrons), nouer, ou renouer, les liens de solidarité nécessaires à notre libération future, ça n'est pas sorcier... mais ça demande un petit effort, celui de se rencontrer, de s'écouter et de se parler, et, bien sur, celui de s'organiser (sans "leaders" providentiels, sans bureaucrates parasitaires, ni nostalgiques de la dictature sur le prolétariat, des barricades et des bains de sang), entre nous et en utilisant les moyens à notre disposition et la force de notre nombre... tout simplement.

L'alternative existe. Le capitalisme s'est développé à partir du système féodal, et il en ira de même de la société future. Ce que les socialistes veulent, c'est un contexte social dans lequel les questions concernant notre vie quotidienne (alimentation, logement, transports, éducation, loisirs, etc.) soient sous le contrôle d'une démocratie réelle, et non sous celui d'une économie dominée par une minorité prédatrice et son insatiable quête de profits.

Nous considérons que le capitalisme requiert de manière urgente son remplacement par une organisation de la société dans laquelle les gens travaillent en fonction de leurs aptitudes mais ne soient pas des employés, où les biens soient produits pour satisfaire nos besoins et non en fonction des perspectives de profits de la minorité dirigeante, où l'éducation soit un processus que les individus choisiront pour eux-mêmes et non en fonction des besoins d'une économie dominée par des intérêts égoïstes.

Pour résoudre nos problèmes, ce dont nous avons besoin, ce n'est pas d'un changement de gouvernement (ils ont tous montré leur incapacité) ou d'une politique gouvernementale différente (elles ont toutes échoué), mais d'un changement de système social.

jeudi 17 juillet 2008

Il y a 25 ans (1) : Un « complot musulman »

Dans notre dernier numéro nous avons prévu une réaction des travailleurs contre la baisse de leur pouvoir d'achat résultant du blocage des salaires imposé par le gouvernement PS/ PC.

En l'occurrence c'étaient les OS de l'industrie automobile en région parisienne qui était les premiers à bouger. En janvier chez Renault à Flins ils ont fait grève pendant quelques semaines avant d'obtenir une révision de l'accord salarial pour prévoir une augmentation en 1983 de 11 % pour les trois quarts des salariés de Renault - au-dessus donc de la norme de 8% que le gouvernement veut appliquer pour 1983.

Cette grève, et par son objectif et par son effet - Renault a perdu quelque 40.000 véhicules - a beaucoup gêné le gouvernement. Autrefois la propagande gouvernementale aurait crié à un « complot communiste » mais étant donné la composition du gouvernement actuel, cette voie ne lui a pas été ouverte. Il fallait donc trouver un autre bouc-émissaire. Ce n'était pas si difficile d'en trouver un puisque 53 pour cent sur 17.000 ouvriers chez Renault à Flins sont des immigrés (en majorité d'Afrique du Nord) et 55 pour cent sur 12.000 à Billancourt.

C'était Gaston Defferre qui le 26 janvier a ouvert le feu en déclarant qu'il y avait un « phénomène particulier » dans l'automobile : « il s'agit d'intégristes, des chiites ». Le Premier Ministre lui-même a vite couru épauler son ministre de l'Intérieur. Des travailleurs immigrés, Mauroy a-t-il prétendu, « sont agités par des groupes religieux et politiques qui se déterminent en fonction de critères ayant peu à voir avec les réalités sociales françaises ».

Ce thème d'un « complot musulman » était repris, après la grève (et après l'expulsion vers l'Italie des gardes du corps de Ben Bella), par Jean Auroux, à l'époque ministre du Travail, qui est allé encore plus loin:

« Un certain nombre de gens sont intéressés à la déstabilisation politique ou sociale de notre pays (...) Certaines forces en France et dans le monde cherchent à nous faire échouer, mais nous sommes vigilants. »

Le Républicain Lorrain (11 février) en rapportant ces propos a ajouté :

« La crainte sous-jacente du ministre est que des agitateurs intégristes se servent de l'Islam pour manipuler les travailleurs immigrés, déstabiliser l'industrie automobile française et troubler la paix sociale dans le pays. »

Cette histoire est complètement invraisemblable ! Qui seraient ces méchantes gens qui veulent saborder l'industrie française ? Defferre a parlé de « chiites », la secte musulmane dont un des chefs est l'Ayatollah Khomeiny. L'Iran aurait effectivement une raison de vouloir déstabiliser la France puisque le gouvernement français appuie et arme l'Irak dans la guerre du Golfe mais, malheureusement pour Defferre, la secte chiite est inconnue en Afrique du Nord et il n'y a probablement pas un seul chiite qui travaille dans l'automobile française ! C'est vrai aussi que les visées expansionnistes du colonel Kadhafi se heurtent aux intérêts impérialistes de la France en Afrique (défendus aussi résolument par Mitterrand qu'auparavant par Giscard) mais de là à conclure que c'était des agents libyens qui manipulaient les grévistes de Renault et Citroën...

Bref, cette histoire d'agitateurs musulmans intégristes manipulant des grévistes pour le profit d'une mystérieuse puissance étrangère ne tient pas debout. Il s'agissait là de pure propagande anti-gréviste, de l'intoxication du public. Les gouvernements du capitalisme ont toujours eu recours à de tels mensonges pour combattre des grèves, et le gouvernement PS/PC, en bon gestionnaire du capitalisme, cherchait tout simplement à déconsidérer les grévistes devant l'opinion publique comme moyen de miner la grève et de la faire échouer.

Ils n'ont pas réussi mais cette action manifestement anti-ouvrière du PS et du PC au gouvernement démontre encore une fois que quand, comme eux, on a accepté la responsabilité de gérer le capitalisme on est obligé de le faire de la seule manière possible - dans l'intérêt du capital, contre l'intérêt de la majorité salariée.

(Socialisme Mondial 23, Nº 2, 1983)

dimanche 13 juillet 2008

La vie continue

Le système dans lequel nous vivons est malade... congénitalement. Son histoire, si l’on excepte de (trop) courtes périodes de prospérité économique, n'est faite que d'une interminable litanie de problèmes jamais résolus.

Ainsi, il ne se passe pas une journée sans que les journaux ou la télévision ne viennent nous rappeler la quantité et la gravité des problèmes auxquels le monde est confronté aujourd'hui : guerres, attentats terroristes, malnutrition, crime organisé, narcotrafic, menaces pour l’environnement...

Comme si cela ne suffisait pas, la peur et la violence ont cessé depuis longtemps d'être un spectacle qu'on regardait tranquillement assis devant notre téléviseur, et se sont installées dans notre vie quotidienne : chômage, travail précaire, plans dits "sociaux" de nos entreprises, pauvreté, crainte de perdre son logement, violence à l'école, insécurité dans nos quartiers ou dans les transports, pollution urbaine...

Cette myriade de problèmes qui semble submerger l’humanité fait naître une lassitude, voire même une indifférence, nées d'une surexposition aux mauvaises nouvelles, aux reportages chocs et aux scénarios catastrophe, mais surtout l'impression qu'on ne peut rien faire contre cet ordre des choses, qu'il ne nous reste plus qu'à baisser la tête et à éviter les coups, en espérant que, peut-être, un jour, les choses s'arrangent.

Mais nos espoirs sont toujours déçus... car les choses ne s'arrangent pas, bien au contraire. Chaque année, une foule d'études et de rapports officiels viennent nous rappeler, chiffres à l'appui, que l'inégalité et la pauvreté, loin de s'atténuer, ne font que s'aggraver.

Pourtant, quelle que soit la prise de conscience de la gravité des problèmes, jamais elle ne débouche sur une remise en cause sérieuse de ce système. En effet, une majorité de salariés (auxquels le souvenir de la période des "Trente glorieuses" - qui ne furent ni trente ni glorieuses pour tout le monde - nourrit l'illusion que le capitalisme peut être "humanisé) pensent encore qu'il suffit de changer de gouvernent pour que les difficultés s'estompent... malgré le fait que d'innombrables gouvernements de gauche ou de droite ici, travaillistes, conservateurs, libéraux, démocrates ou républicains ailleurs, ont essayé une infinité de réformes sans qu'un seul de nos problèmes ait été résolu. Pense-t-on sérieusement que si un parti quelconque n'avait trouvé la formule lui permettant d'éliminer les problèmes une fois pour toutes, il ne serait pas trop content de l'appliquer, gagnant ainsi la reconnaissance des électeurs... et l'assurance de conserver le pouvoir ?

Les réformes, si elles ont permis d'améliorer l'existence des salariés et de leurs familles, ne peuvent apporter de solution définitive à nos problèmes puisqu'elles sont sans cesse (et même, de plus en plus) sous la menace d'une remise en cause. En ne s'attaquant pas a la racine des problèmes, qui sont intimement liés à l'organisation actuelle de la société, les réformes ne font que prolonger l'existence d'un système prédateur... et de ses maux.

Face à l'impuissance et à l'incapacité de nos gouvernants, nombreux sont ceux qui ont décidé de consacrer du temps, des efforts et de l'argent à de "bonnes causes" ; et, ces dernières années, les ONG se sont multiples pour combattre les fléaux les plus divers. Pour quel résultat ? Car, quels que soient les efforts des uns ou les réformes des autres, tout a été essayé dans le cadre du capitalisme, et tout a échoué : tous les problèmes demeurent. On peut d'ailleurs se demander : à quoi bon essayer d'éteindre des incendies dans un bateau qui coule ? Si ce système avait pu être réformé dans l'intérêt de la majorité, s'il avait pu être humanisé, ce ne sont ni les motifs, ni la volonté, ni les tentatives, ni l’intelligence collective qui ont manqué.

Et pendant ce temps, la vie continue... notre vie ; sans espoir d'amélioration car, voyez-vous, mon bon monsieur, ce n'est pas de notre faute si la concurrence internationale bla bla bla... la compétitivité de nos entreprises... le manque de flexibilité du marché du travail (mais jamais l'inflexibilité patronale !)... les salaires trop élevés (mais pas les profits)... les impôts trop lourds (et les évasions de capitaux ?)... le coût des "charges" sociales (et le coût du chômage ?)... les étrangers qui prennent le travail des Français (mais qui nous licencie ou refuse de diminuer le temps de travail ? qui vote les lois qui permettent de nous licencier ? qui élit ceux qui font les lois ?).

Alors, que faire ? Ces problèmes qui submergent l’humanité sont-ils aussi naturels et inévitables que les tremblements de terre ou les raz de marée ? Ou bien sont-ils des problèmes de société, crées par l’homme, et que l’homme doit pouvoir défaire ? Mais surtout, puisque tout a été essayé, ne faudrait-il pas se demander si ces problèmes ne sont pas inhérents à notre mode de société, le capitalisme, et que dans le cadre de la société actuelle, aucune solution durable n'est envisageable ?

vendredi 11 juillet 2008

L’URSS n’était pas communiste

Ce que nous appelons socialisme n’a rien à voir avec l’acceptation générale du terme. Pour nous, le socialisme est un système dans lequel les moyens de production de la planète sont la propriété commune de tous les membres de la société qui peuvent ainsi les administrer démocratiquement. La population étant propriétaire des moyens d’existence et des richesses produites, elle n’a pas à acheter ce qui lui appartient déjà et se sert librement en fonction de ses besoins. En bref, il s’agit d’une organisation de la société basée sur le principe : de chacun selon ses capacités à chacun selon ses besoins. Il s’agit donc d’un monde sans argent ni salaires, sans États ni frontières, sans classes sociales ni guerres.

L’URSS n’était pas communiste, et la révolution russe n’ouvrait pas la voie à une société socialiste ou communiste. Elle n’était même pas une révolution prolétarienne, puisqu’elle a été menée par le parti d’avant-garde de Lénine. Lénine n’alla jamais plus loin ni en théorie, ni en pratique, et resta essentiellement un révolutionnaire capitaliste, un révolutionnaire bourgeois. Par contre Marx répudia l’idée de libérateurs providentiels conduisant la masse du peuple inculte vers la liberté.

Considérez cette citation d’Engels : «Or, concevoir la Révolution française comme une lutte de classes, et qui plus est non seulement entre la noblesse et la bourgeoisie, mais entre la noblesse, la bourgeoisie et les non possédants était, en 1802, une découverte des plus géniales.» (Socialisme Utopique et Socialisme Scientifique : Chapitre I : http://www.marxists.org/francais/marx/80-utopi/utopi-1.htm).

Comme on le sait, la Révolution française a placé les bourgeois au pouvoir plutôt que les nobles, bien que les travailleurs se soient battus. La même chose s’est déroulée en Russie : les travailleurs se sont battus et le résultat fut l’acquisition du pouvoir par les bolcheviques. Ils ne formaient qu’une classe de plus dans la lutte, supportée par les travailleurs comme les bourgeois l’ont été lors de la Révolution française.

Les bolcheviks et les mencheviks étaient d’accord sur le fait que la future révolution russe dirigée contre le Tsar ne pouvait qu’être une révolution « bourgeoise » (c’est-à-dire semblable à ce qui s’était produit en France en 1789 et après) qui, balayant le régime tsariste semi-féodal, créerait les conditions nécessaires au libre développement du capitalisme en Russie. Toutefois, tandis que la révolution bourgeoisie française avait été menée à bien par la bourgeoisie elle-même, tout le monde convenait parmi les sociaux-démocrates russes que la bourgeoisie russe était trop faible et trop dépendante du tsarisme pour mener à bien sa propre révolution, et que cela devrait être réalisé par un autre groupe : le mouvement social-démocrate.

Ce qui advint en novembre 1917 (octobre d’après l’ancien calendrier en usage en Russie jusqu’alors) ne fut pas la prise du pouvoir politique par la classe travailleuse organisée en soviets, mais la prise du pouvoir par un groupe bien résolu de révolutionnaires russes anti-tsaristes qui formaient le parti bolchevique. Lénine étonna même de nombreux membres du parti bolchevique en déclarant qu’une révolution socialiste en Russie était désormais à l’ordre du jour. Lénine était persuadé que la guerre serait suivie d’une vague révolutionnaire dans les pays industrialisés d’Europe et que, par anticipation, cela justifierait la tentative des bolcheviks de renverser le capitalisme en Russie.

Lénine avait envisagé l’instauration d’une économie dirigée par l’Etat, sur le modèle de l’économie de guerre de l’Empire allemand, et à maintes reprises en 1918 il déclara qu'un capitalisme d’Etat de ce type était un pas en avant pour la Russie.

Le socialisme n’aurait pu être établi en Russie en 1917 que parallèlement à l’établissement plus ou moins simultané du socialisme dans l’ensemble des pays industrialisés d’Europe et d’Amérique du Nord, mais cela s’avéra impossible à cause de l’absence de compréhension et d’aspiration socialistes chez les travailleurs de ces pays.

dimanche 6 juillet 2008

Fait divers

Nous vivons dans une société qui crée des problèmes et ne sait pas les résoudre. II suffit pour s'en rendre compte de lire n'importe quel journal où l’on trouvera le triste récit des nombreuses guerres qui ravagent toute une partie du monde, des famines qui déciment les populations de certains pays, des diverses formes de pollution qui envahissent notre environnement, des armes nucléaires qui nous menacent de destruction totale. A la page des faits divers de ces mêmes journaux on passe des problèmes généraux aux particuliers et l’on découvre comment notre système social affecte la vie des gens à un niveau personnel et quotidien. Malheureusement, tous ces problèmes, généraux ou particuliers, sont attribues dans les journaux à des causes inhérentes à la nature humaine, à la société humaine ou simplement à la vie sur terre et nous, lecteurs, nous sommes encouragés à accepter passivement cet état de choses plutôt qu'à chercher activement une solution.

La famine ? Il y a toujours eu des famines, c'est la vie.

Peut-être, mais il y a aussi des montagnes de nourriture accumulées dans certains pays et dont on ne sait que faire ! Il y aussi une technologie capable de produire beaucoup plus qu'on ne produit aujourd'hui.

La guerre ? Il y a toujours eu la guerre, c'est comme ça, c'est l'agressivité humaine.

Mais alors comment se fait-il que les peuples d'Europe et d'Amenque du Nord qui connaissent une paix relative en ce moment n'éprouvent pas un besoin physiologique de repartir en guerre ? La génération qui a aujourd'hui entre 50 et 60 ans et qui n'a pas connu la guerre, comment expliquer qu'elle s'en passe, qu'elle se réjouisse de vivre en paix, qu'elle cherche même à s'assurer de la continuation de cette paix en organisant des mouvements pour la paix ?

La pollution ? C'est la rançon du progrès, de la technologie.

Mais comment ? De qui se moque-t-on ? Une technologie capable d'envoyer des êtres humains sur la lune, de transplanter des coeurs ou de faire éclater des atomes ne serait pas capable de résoudre les problèmes relativement mineurs de la pollution ? Allons, allons, on voudrait nous faire prendre des vessies pour des lanternes.

Les armes nucléaires ? Il les faut pour nous défendre.

Mais se défendre au prix de la destruction de l'humanité, est-ce une défense ?

Il faut donc aller plus loin que ce que nous disent les journaux, il faut pousser la réflexion plus avant, remarquer les contradictions, dénoncer les absurdités. Même chose à la page des faits divers. Ici l’on nous présente toute une gamme de petits criminels comme des gens fondamentalement mauvais et malhonnêtes, qui menacent notre sécurité quotidienne et que nous sommes donc amenés à considérer comme coupables plutôt que comme victimes. Et pourtant, quand il s'agit d'une jeune mère de vingt-deux ans et d'un nourrisson abandonné, n'est-il pas évident qu'il y a lâ problème et non crime ?

« Le 14 juillet est née, dans une clinique de Trappes, une fille du nom de Laetitia. Le 22 du même mois, un couple de promeneurs, attirés par des vagissements, découvrait dans un bois des Yvelines un bébé de sexe féminin. La petite Laetitia avait été abandonnée. Recherchée par la police, sa mère âgée de vingt-deux ans, a été identifiée et écrouée: « Je ne pouvais pas l'élever seule. Je n'ai pas de ressources, pas de travail. Et il ne fallait pas que mon père apprenne ma grossesse ». »

C'est tout. Suit un article plein de statistiques sur les enfants abandonnés qui sont, nous dit-on, trois mille en France. Pas la moindre question sur le pourquoi ni le comment de ce cas particulier, bien moins encore sur la solution apportée au problème. Reprenons donc nous-mêmes l'affaire, non pas à coups de statistiques, mais en utilisant tout simplement un peu de bon sens.

On trouve un bébé abandonné dans un bois. Qu'est-ce qui a pu pousser une mère à abandonner son enfant dans un bois où il mourra lentement de faim et de froid ? Quels terribles sentiments d'anxiété, quels profonds tourments ? Voilà les premières questions à se poser. L'enfant est sauvé et de cela on peut déjà se réjouir. Maintenant il reste à retrouver la mère et a l'aider dans son malheur, car malheur il y a, c'est évident. Les habitants de la ville, les voisins, les amis la cherchent et la trouvent. Le problème est clair: la jeune femme est pauvre, sans aucune ressource, et vit dans la terreur de son père. La solution humaine et logique ? Lui fournir un logement indépendant de celui de son père et les ressources dont elle a besoin pour elle-même et pour son enfant, lui apporter un soutien moral dont elle a visiblement besoin et lui souhaiter tout le bonheur possible avec sa petite fille comme on le ferait pour n'importe quelle maman. La solution de notre société ? Une solution violente et stupide. La police est envoyée pour chercher la jeune femme qui est mise en prison alors que l'enfant va à l'orphelinat. Voila le problème bien résolu: deux êtres humains coupables de pauvreté, ont devant elles un avenir de malheur et de misère, et la société n'y gagne rien sauf peut-être deux délinquants en puissance.

Il en va de cette histoire comme de tous les autres problèmes. Nous n'utilisons pas notre intelligence pour les résoudre, nous ne cherchons pas la solution la plus logique, la plus satisfaisante, mais comme nous avons un esprit qui aime pourtant résoudre les problèmes et qui y excelle, nous passons à la place à la page des mots croisés. Alors pourquoi, pourquoi ne s'attaque-t-on pas plutôt aux vrais problèmes, pourquoi ce sentiment d'impuissance et de résignation en lisant notre journal quotidien ? La réponse est simple: parce que le système social dans lequel nous vivons ne permet pas la résolution des problèmes en termes humains et logiques. Ce système est fondé sur une chose seulement: le profit et toujours le profit. Tous les problèmes sont donc attaqués et pensés en termes de profit et c'est pour cela que la nourriture, par exemple, ne va pas à ceux qui ont faim mais à ceux qui ont de l'argent, et si ceux-ci n'ont pas faim, alors on empile cette nourriture dans des entrepôts et on regarde les enfants du Tiers Monde mourir, tout doucement, de faim, et on met en prison les mères qui n'ont pas de quoi donner à manger à leurs enfants.

Peut-être direz-vous qu'il n'y a pas de raison, après tout, pour que les gens qui travaillent, qui gagnent leur croûte à la sueur de leur front, fassent vivre les autres en même temps, les pauvres, les sans-travail, les femmes sans mari. Ce serait trop demander quand-même ! Et pourtant les travailleurs du monde font, sans très bien s'en rendre compte, quelque chose de bien plus extraordinaire que ça. Ils permettent, par leur travail, à une section de la société qui elle ne travaille pas, ne produit rien, de vivre dans le luxe, dans l'abondance et dans la sécurité matérielle. Ce travailleur qui rechigne à l'idée qu'une mère de vingt-deux ans, sans famille et sans ressources, puisse tirer un maigre bénéfice de son labeur à lui, accepte sans sourciller que ses employeurs fassent à partir de ce même labeur des profits qui leur permettent non pas simplement de survivre, mais de vivre dans la richesse la plus éclatante, sans jamais devoir travailler. Cette contradiction n'est pas la moindre dans un système qui en est plein.

Si nous voulons éliminer les contradictions absurdes et commencer à résoudre les difficultés, il faut rendre à l'intelligence la place qu'elle mérite et lui permettre de se mettre sérieusement au travail. Mais pour cela, il faut d'abord se débarrasser de l'obstacle principal, le système du profit. Ce n'est que lorsque les hommes et les femmes du monde mettront fin a un système base sur l'argent qui les oblige à tout faire en fonction du profit, qu'ils pourront enfin mettre leurs remarquables facultés intellectuelles et émotionnelles à leur propre service et donc au service de toute l'humanité.

vendredi 4 juillet 2008

Marxisme ou léninisme ?

Pour une bonne introduction aux différences profondes entre ces deux conceptions politiques nous recommanderions l'article suivant qui se trouve à http://democom.neuf.fr/leninisme.htm

mardi 1 juillet 2008

Réponse à Claude Bitot

Comme promis dans le message intitulé On nous critique, nous allons maintenant répondre à la critique du Mouvement faite dans le nouveau livre de Claude Bitot.

Notre position réelle n’est pas la même que celle qu’il décrit. Tout d’abord, nous ne réduisons pas le salaire « au seul élément physiologique absolument nécessaire au fonctionnement de la force de travail ». Claude Bitot a en fait mal compris ce que nous voulions dire par la présentation du salaire comme système de rationnement. Nous gagnons beaucoup plus que cette somme justement parce que nous en avons besoin pour nous soumettre aux exigences du travail spécialisé que de nombreux travailleurs accomplissent aujourd’hui. N’oublions pas non plus que les salaires modernes sont également une conséquence historique de la lutte des classes. Claude Bitot prétend que nous voulons faire croire que le réformisme n’a eu aucun impact, mais nous serions bien naïfs d’affirmer que celui-ci n’a pas eu d’effet sur notre niveau de vie actuel. Cependant, il est clair que le réformisme n’est pas une solution viable aux effets négatifs du capitalisme. Nous avons essayé celui-ci sous de nombreuses formes tout au long de son histoire, mais tous les problèmes du capitalisme sont restés bien présents jusqu’à aujourd’hui, peu importe toutes les interventions des nombreux partis capitalistes qui ont eu le pouvoir. Le capitalisme fonctionne dans l’intérêt des capitalistes uniquement et les réformes n’y changent rien, c’est tout ce que nous voulons dire.

Venons-en maintenant à cette fameuse société de consommation. Le monde que nous souhaitons établir en est un dans lequel les besoins matériels de tous seront comblés et ces besoins seront déterminés par les individus eux-mêmes. Ce qui signifie évidemment que les gens prendront librement ce qu’ils désirent. Cependant, nous n’avons pas l’intention de recréer une société de consommation telle qu’elle existe actuellement dans les pays du Nord. Le socialisme ne sera pas un monde de faux besoins et de publicité. Personne ne mesurera son succès en terme de biens matériels. Claude Bitot nous accuse de prôner le bonheur par la consommation, ce qui est faux. Nous voulons simplement fournir à tous le nécessaire pour vivre une vie épanouie. Pour cela, il faut, par exemple, vivre dans un bon logement. Nul besoin d’un manoir, ce que les habitants du socialisme ne produiront certainement pas.

Le capitalisme, lui, ne veux rien savoir de nos besoins. Il gaspille d’énormes ressources pour des activités qui ne sont pas utiles, ou plutôt qui ne sont utiles que sous le capitalisme. De très nombreux emplois, tels que ceux des services financiers et de l’armée, seraient éliminés sous le socialisme. Les entreprises font travailler de nombreux employés pour optimiser leurs profits plutôt que pour contribuer à des activités importantes pour la satisfaction des besoins humains. Le socialisme pourra arrêter cette folie et faire usage de toutes ces forces productives et moyens de production pour accomplir un travail socialement utile. D’ailleurs, le socialisme n’aura aucune raison de connaître le chômage. Pour les capitalistes, par contre, celui-ci est bien utile : il leur permet de garder les salaires au-dessous d’un certain niveau grâce à la compétition entre travailleurs pour les emplois.

Il est évident que nous ne pouvons pas nous permettre de reproduire dans un futur monde socialiste la destruction de l’environnement qui a cours actuellement. C’est tout à fait évitable. Nous soutenons que les problèmes écologiques d’aujourd’hui sont dus à la course au profit, car celle-ci fait en sorte que les décisions d’une entreprise doivent être faites en fonction de maximiser le profit plutôt que selon la raison humaine. Le socialisme, au contraire, ne connaît pas le profit et peut donc imposer des normes et des méthodes productives selon les décisions démocratiques de l’humanité sans qu’il y ait de risque que ces règlements ne soient pas appliqués. De plus, il va sans dire que les habitants du socialisme ne produiront rien qui ne respecte certains standards environnementaux. Ils ne construiront que des biens utiles et faits pour durer plutôt que pour se casser après quelques années. Le seul véritable moyen d’employer à fond les alternatives écologiques à notre disposition est de retirer l’industrie des mains des lois économiques capitalistes, qui ne cherchent que l’augmentation des profits.

Finalement, Claude Bitot exagère certainement quand il affirme que le capitalisme nous a « coupé l’herbe sous le pied ». Malgré le fait que plusieurs travailleurs profitent d’une certaine abondance matérielle qui n’existait pas avant, ils souffrent toujours du capitalisme de très nombreuses façons.

Nous ne devons pas arrêter la production moderne, bien au contraire. Nous devons plutôt l’élever vers son niveau ultime, l’économie socialiste, la production pour la satisfaction des besoins, la possession commune des moyens de production par l’ensemble de l’humanité. Tout ce dont nous avons maintenant besoin, c’est la volonté des travailleurs de construire un monde nouveau, leur monde.