lundi 19 décembre 2011

La fable du « Maître singe »

Dans l’Etat féodal du Chu, un veillard survivait en gardant des singes à son service. Les gens l’appelaient « Ju gong » (Maître singe).

Chaque matin, le vieil homme rassemblait les singes dans sa cour et donnait l'ordre à l'aîné d'emmener les autres dans la montagne ramasser des fruits sur les arbres et dans les buissons. La règle exigeait que chaque singe donne le dixième de sa récolte au vieillard, et ceux qui ne le faisaient pas étaient violemment fouettés. Tous les singes en souffraient mais n'osaient s'en plaindre.

Un jour, un jeune singe s'adressa aux autres : « Le vieil homme a-t-il planté tous les fruitiers et buissons ? » Les autres répondirent : « Non, ils ont poussé naturellement. » Le jeune singe insista : « Ne pouvons-nous pas prendre les fruits sans la permission du vieil homme ? » Les autres répon dirent : « Si, nous pouvons tous le faire. » Le jeune singe continua : « Alors pourquoi devons-nous dépendre du vieil homme ; pourquoi devons-nous tous le servir ? »

Avant que le petit singe ne finisse sa phrase, tous les autres avaient compris et s'éveillaient.

La nuit même, s'assurant que le vieil homme était endormi, les singes détruisirent l'enclos dans lequel ils étaient confinés. Ils prirent les fruits que le vieil homme avait emmagasinés et les emportèrent dans le forêt pour ne jamais en revenir. Le vieil homme finit par mourir de faim.
--Parabole chinoise de Liu-Ji, datant du XIVe siècle.

mardi 13 décembre 2011

Ils ont raison (9)

"L'essence de la révolution communiste est l'abolition de la propriété privée des moyens de production et leur conversion en propriété commune de la société toute entière. La révolution communiste met fin à la division en classes de la société et aboli le travail salarié, mettant fin du même coup au marché, à l'échange de marchandises et à l'argent. La production pour le profit est remplacée par la production pour répondre aux besoins des gens et pour amener plus de prospérité pour tous. La travail, qui pour la plus grande partie de l'humanité, est dans la société capitaliste, une activité contrainte, mécanique et exténuante pour gagner sa vie, doit laisser place à une activité volontaire, créative et consciente pour enrichir la vie humaine. Tout le monde, du simple fait qu'il est un être humain et qu'il est né dans la société humaine, doit recevoir une part égale de toutes les ressources vitales et des produits de l'effort collectif. De chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins, voila le principe de base de la société communiste."
--Un monde meilleur, Le programme du Parti communiste-ouvrier d'Iran (1994)

"Il est impossible de donner une formule plus simple et meilleure que : "chacun donne selon ses forces ; chacun reçoit selon ses besoins". Et ceci ne suppose nullement une réglementation, individuelle ou collective, qui détermine les forces et les besoins. Chacun, mieux que n'importe qui, peut déterminer ses forces et quand nous supposons que dans une société communiste chacun sera bien nourri et éduqué il est clair qu'un homme normalement développé mettra ses forces à la disposition de la communauté sans y être contraint. Dès qu'il y a contrainte, elle ne peut avoir qu'une influence néfaste sur le travail."
--F. Domela Nieuwenhuis, Socialisme libertaire et socialisme autoritaire (1895).

mardi 22 novembre 2011

Marx et l'écologie

Marx n'était pas l'inventeur du socialisme. Il n'était qu'un socialiste parmi d'autres. Les passages suivants montrent bien que les socialistes du dix-neuvième siècle étaient bien au courant avec "la notion de protection et de symbiose avec l'environnement":
Avec la prépondérance toujours croissante de la population des villes qu'elle agglomère dans de grands centres, la production capitaliste d'une part accumule la force motrice historique de la société; d'autre part elle détruit non seulement la santé physique des ouvriers urbains et la vie intellectuelle des travailleurs rustiques, mais trouble encore la circulation matérielle entre l'homme et la terre, en rendant de plus en plus difficile la restitution de ses éléments de fertilité, des ingrédients chimiques qui lui sont enlevés et usés sous forme d'aliments, de vêtements, etc. Mais en bouleversant les conditions dans lesquelles une société arriérée accomplit presque spontanément cette circulation, elle force de la rétablir d'une manière systématique, sous une forme appropriée au développement humain intégral et comme loi régulatrice de la production sociale (...)
[C]haque progrès de l'agriculture capitaliste est un progrès non seulement dans l'art d'exploiter le travailleur, mais encore dans l'art de dépouiller le sol; chaque progrès dans l'art d'accroître sa fertilité pour un temps, un progrès dans la ruine de ses sources durables de fertilité. Plus un pays, les Etats-Unis du nord de l'Amérique, par exemple, se développe sur la base de la grande industrie, plus ce procès de destruction s'accomplit rapidement. La production capitaliste ne développe donc la technique et la combinaison du procès de production sociale qu'en épuisant en même temps les deux sources d'où jaillit toute richesse. (Le Capital, Livre 1, ch. XV)
Lorsque la société actuelle sera arrivée à un degré d'organisation économique plus élevé, le droit de propriété de quelques individus sur les terres constituant, le globe paraîtra aussi absurde que semble insensé, dans la société d'aujourd'hui, le droit de propriété d'un homme sur un autre homme. Ni une nation, ni toutes les nations couvrant le globe ne sont propriétaires de la terre ; elles, n'en sont que les possesseurs, les usufruitiers, ayant pour obligation, en bons pères de famille, de la transmettre améliorée aux générations futures.(Le Capital, Livre III, ch XLVI)

vendredi 11 novembre 2011

Bullshit

Cette analyse de la crise est assez répandue sur le net mais, pour employer un des mots dans cette vidéo, c'est bullshit.

Oui, les banques prêtent de l'argent et en récoltent des intérêts mais elles ne créent pas cet argent à partir de rien. Elles ne peuvent que prêter de l'argent qu'elles ont déjà, soit des dépôts qu'elles ont réussis à attirer soit qu'elles ont emprunté elles-mêmes. Elles ne créent pas de la monnaie nouvelle, comme la vidéo le suggère; elles ne font que faire circuler la monnaie existante.

Les intérêts que les banques reçoivent viennent en fin de compte de la production future. En fait, c'est parce que, à cause de la dépression actuelle, la production n'a pas augmenté dans la mesure attendue mais a même diminué que certains États se trouvent devant une crise de dette. Ainsi se crée l'illusion que le problème c'est les intérêts en tant que tels plutôt que le manque d'une production adéquate -- et que la solution se trouve en permettant aux États d'avoir davantage recours à la planche à billets.

On aurait cru que la crise bancaire de 2008 et qui menace de se reproduire aujourd'hui aurait fait disparaître l'idée selon laquelle les banques peuvent créer de rien de l'argent à prêter. Après tout, si elles le pouvaient, pourquoi ne l'ont-elles pas fait ? Pourquoi les « bail-outs » ?

De toute façon, ce qu’il faut, ce n'est pas la réforme monétaire (ni la soi-disant « socialisation » des banques) mais l’abolition de l’argent et des banques par la mise en commun des ressources productives et la production pour la seule satisfaction des besoins humains.

jeudi 3 novembre 2011

L'action globale

Un aspect positif du mouvement "Occupons" est sa coordination globale. En effet, si les salariés de tous les pays veulent éviter des crises économiques dont ils sont les victimes principales, ils doivent agir ensemble et créer un nouveau mouvement mondial.

Toutefois il faut être clair sur l'objectif. Il faut un mouvement qui rejette le réformisme et toutes les autres illusions sociales-démocrates et léninistes. Un mouvement dévoué à une seule puissante tâche de construire une société mondiale dans laquelle les ressources de la Terre seraient devenues le patrimoine commun de tous et où on ne produirait pas pour vendre pour le bénéfice d'une minorité mais seulement pour satisfaire les besoins de l'humanité.

Le problème économique à surmonter pour cette société socialiste serait le problème de la population active de s'organiser afin de coopérer à la production de nourriture, vêtements, logements et tous les autres articles et services demandés par le peuple pour une vie heureuse et pleine. Tout le monde aurait libre accès aux choses nécessaires, la production et la répartition étant en accord avec le principe socialiste « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ».

dimanche 23 octobre 2011

"Occupons Montréal"


D'accord, au moins 90 pour cent d'une partie développée du monde telle que le Canada font partie de la classe salariée (ceux qui sont obligés par nécessité économique de vendre leur force de travail) et sont exploités par 1 pour cent. Mais ces 1 pour cent, qui sont-ils ? Les organisateurs d’"Occupy Wall Street" et d'"Occupons Montréal" semblent croire que ces 1 % ne sont que les banquiers. Toutefois ce ne sont pas les seuls banquiers qui bénéficient du système capitaliste. Le secteur non financier de la classe capitaliste en fait autant.

En suggérant que le comportement des banquiers est le problème, les groupes "Occupons" se trompent. C'est une erreur grave dans la mesure où c'est faire croire qu'une réforme bancaire ou monétaire pourrait résoudre les problèmes auxquels les 99 pour cent doivent faire face. Il n'en est rien. La cause de ces problèmes, c'est le système capitaliste tout entier, le capital en tant que tel et non pas simplement le capital financier.

La solution se trouve donc dans l'expropriation de toute la classe capitaliste et la mise en place d'un système basé sur la possession commune et la gestion démocratique des moyens de production.

lundi 17 octobre 2011

Un président de gauche ?

Le soi-disant "Parti socialiste" vient de choisir son candidat pour l'élection présidentielle. Voici ce que nous en pensons.

S’il y a de nouveau un président de gauche, le seul changement qu'il y aura, c'est un change ment de politiciens à la tête de l'état.

La gauche ne modifiera pas les bases de l'exploitation ; tout au plus elle essaiera d’appliquer des mesures sociales avec toutes les réserves, les limites, les échecs qu’elle devra affronter en économie capitaliste. Par contre, le capitalisme y trouvera, lui, une solution à sa propre survie, à sa propre crise ; la discussion se focalisera sur l'opposition gauche-droite et nous donnera l'impression que ce sont les gouvernements qui décident alors que leurs moyens d'action sont en fait très limités et subordonnés aux lois économiques du capitalisme qui sont celles du profit. Par exemple, le chômage n'est pas un choix politique mais une fatalité économique, donc un changement de politique ne peut rien y changer.

Certes, un président de gauche et son gouvernement pourraient artificiellement gonfler l'économie pendant une certaine période pour financer les travaux publics et l'augmentation du nombre de fonctionnaires, mais cela ne durerait pas. Tôt ou tard, la crise éclaterait de nouveau et on reviendrait à la situation actuelle avec deux millions de chômeurs : les lois économiques du capitalisme continuent à fonctionner malgré un président de gauche.

La société bourgeoise et capitaliste impose de cette façon sa vision politique du monde (entre autres, grâce aux élections) écartant un grand nombre de gens des questions essentielles (exploitation par le salariat, mise en place des conditionnements, etc.). Un président de gauche essaierait donc de gérer de façon « progressiste », à la tête de l'état français, une fraction du capitalisme mondial mais ne réussirait pas. Il ne peut réussir. Tôt ou tard, il serait obligé de reconnaître que, dans le cadre du capitalisme, tout gouvernement, même de gauche, n'a d'autre choix que de respecter et d'appliquer la logique du capitalisme, c'est-à-dire de donner la priorité aux profits et non aux salaires et aux réformes sociales. A ce moment-là, il entrera forcément en conflit avec les travailleurs. Ce sera la fin de beaucoup d'illusions. La lune de miel sera finie.

Nous savons que nous nous situons à contre-courant d'un large mouvement qui met son espoir dans une arrivée de la gauche au pouvoir, ce qui ne veut pas dire que rien n'est possible. Nous pensons donc qu'il est essentiel actuellement de se poser la question des moyens et des conditions d'un changement.

mercredi 5 octobre 2011

L'économie participative : un non partant

L'activiste nord-américain Michael Albert propose de remplacer le système actuel par ce qu'il appelle une "économie participative".

Albert veut gérer la rareté "rationnellement", mais sa définition de la rareté veut dire qu'elle existera pour toujours. Il accepte donc les dogmes de l'économie orthodoxe qui prétend que -- par définition -- l'abondance ne peut jamais exister.

La science économique orthodoxe se définit comme l’étude de l’allocation de ressources rares pour couvrir certains besoins humains. Albert a adopté une position fondamentalement similaire à celle des économistes orthodoxes : si l’abondance existait, on pourrait se passer d'un "système d'échange de temps et de comptabilisations de ses désirs" (du rationnement de la consommation en fonction du travail effectué), mais puisque l’abondance n’existe pas encore et ne peut apparaître que dans un temps bien lointain, un tel système doit continuer à exister.

Le programme d’une "économie participative" est, en tant que système de gestion de la rareté, irréaliste et irréalisable. Elle suppose que la rareté existera toujours parce que les gens sont (assez) avides et paresseux et que donc leur consommation doit être restreinte et qu'ils devraient être obligés de donner suffisamment de travail. Sauf, selon lui, une moralité et des règles décidées démocratiquement suffissent pour effectuer cela. On peut en douter. Si la rareté existe et si les gens sont avides il faudrait de la coercition, un Etat, pour imposer la limitation de la consommation et l'obligation de travailler suffisamment. Comme Trotsky l'a dit à propos de l'échec de la révolution russe (bien entendu nous ne sommes pas trotskyistes mais ici il a vu juste):
L'autorité bureaucratique a pour base la pauvreté en articles de consommation et la lutte de chacun contre tous qui en résulte. Quand il y a assez de marchandises au magasin, les chalands peuvent venir à tout moment. Quand il y a peu de marchandises, les acheteurs sont obligés de faire la queue à la porte. Sitôt que la queue devient très longue, la présence d'un agent de police s'impose pour le maintien de l'ordre. Tel est le point de départ de la bureaucratie soviétique.(Trotsky, La révolution trahie (1936)
Le problème est que Albert ne se rend compte pas que nous vivons dans une ère d'abondance potentielle. Il croit que nous sommes toujours dans l'ère de pénurie où on ne peut produire assez pour subvenir à tous les besoins probables des gens. D'où, selon lui, la nécessité de limiter la consommation et contraindre les gens à travailler -- et le peu de pertinence de sa proposition.

lundi 26 septembre 2011

Forum canadien

Le Parti Socialiste du Canada dispose d'un Forum de discussions qui a une section francophone. Cf. ici.

Socialisme mondial N°29 (1986)

Avec la numérisation au format pdf de ce numéro, la collection est désormais complète sur la période 1983-1987 qui va du N°22 au N°30 de Socialisme mondial, « bulletin occasionnel pour un monde sans classes, sans argent et sans États » qui était publié par les camarades francophones du Mouvement socialiste mondial (Parti socialiste de Grande-Bretagne — SPGB — et Parti socialiste du Canada).

Au sommaire: Questions sur le socialisme – William Morris, artiste et socialiste – Pologne: le capitalisme d’État contre les travailleurs – Le socialisme – A propos des dénationalisations – A vous la parole – Livres.

Cliquer sur l'image pour ouvrir le pdf
(très lourd: 52,4 Mo ) ou pdf allégé (5 Mo)

lundi 19 septembre 2011

A bas le parti d'avant-garde !

Lénine fut le premier à élaborer de façon cohérente un projet de parti d'avant-garde. Dans sa brochure Que Faire ? (1902), se basant, sur la présupposition que « livrée à ses seules forces, la classe ouvrière ne peut arriver qu'à la conscience trade-unioniste », il en tira la conclusion que la conscience socialiste devrait lui être apportée par des « intellectuels révolutionnaires socialistes ». Il préconisait une organisation composée « avant tout et principalement d'hommes dont la profession est l'action révolutionnaire », c'est-à-dire un parti d'avant-garde, une minorité consciente, qui dirigerait la majorité inconsciente dans une insurrection.

Cette théorie était le contraire de celle de Marx qui proclamait que "l'émancipation de la classe ouvrière doit être l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes » (Statuts généraux de l'AIT, 1864) et qui déclarait qu'il ne pouvait collaborer avec « des gens qui expriment ouvertement que les ouvriers sont trop incultes pour s'émanciper eux-mêmes et qu'ils doivent donc être libérés d'abord d'en haut, par les grands et philanthropes petits-bourgeois » (Lettre circulaire, sept 1879).

Néanmoins la théorie de Lénine était attrayante pour les révolutionnaires anti-tsaristes en Russie puisqu'elle reflétait parfaitement leur aspiration à se substituer à la bourgeoisie privée, trop faible et trop liée au régime tsariste pour agir elle-même, dans la révolution anti-tsariste et bourgeoise qui se préparait — « bourgeoise » dans ce sens qu'elle allait écarter tous les obstacles féodaux au développement du capitalisme en Russie.

En 1917, suite à l'effondrement de l'Etat tsariste sous l'impact de la Première Guerre mondial, Lénine et les bolcheviques, organisés en parti d'avant-garde, s'emparèrent du pouvoir et liquidèrent le tsarisme et le féodalisme en Russie. A leur place ils développèrent l'industrie sous la forme d'un capitalisme d'Etat. Plus tard, sous Staline, grâce à son mono pole du pouvoir, cette avant-garde (ou plutôt la partie qui en restait après les purges de Staline) s'est transformée en nouvelle classe dirigeante et privilégiée, la bourgeoisie d'Etat oui règne en Russie capitaliste d'Etat encore aujourd'hui.

Du point de vue historique donc, la théorie du parti d'avant-garde était l'idéologie d'une future bourgeoisie d'Etat qui voulait utiliser le mécontentement des travailleurs et des paysans pour écarter la vieille classe dirigeante et s'installer à sa place.

Quelle leçon en tirer ? Que le parti d'avant-garde est à rejeter en tant que forme d'organisation de la classe travailleuse. Pour s'émanciper en établissant une société sans classes et sans salariat dans laquelle la communauté tout entière possédera et administrera démocratiquement, dans son propre intérêt, les moyens et instruments de production et de distribution des richesses (« le vrai socialisme ») les travailleurs n'ont pas besoin de leaders, ni de chefs, ni de dirigeants, ni de meneurs — ni d'aucune avant-garde quelle qu'elle soit — mais seulement de leur propre auto-organisation démocratique et d'une volonté socialiste résolue.

En 1848 déjà Marx et Engels déclaraient que « tous les mouvements historiques ont été, jusqu'ici, accomplis par des minorités ou au profit des minorités. Le mouvement prolétarien est le mouvement autonome de l'immense majorité au profit de l'immense majorité » (Le Manifeste communiste). Presque cinquante ans plus tard Engels précisait :

« Le temps des coups de main, des révolutions exécutées par de pet ites minorités conscientes à la tête des masses inconscientes, est passé. Là où il s'agit d'une transformation complète de l'organisation de la société, il faut que les masses elles-mêmes y coopèrent, qu'elles aient déjà compris elles-mêmes de quoi il s'agit, pour quoi ils interviennent, corps et âme » (Introduction, 1895 à Les luttes des classes en France de Marx).

Une révolution dirigée par un parti d'avant-garde, étant une révolution minoritaire, ne conduirait inéluctablement qu'à un gouvernement par une minorité, comme l'histoire l'a démontré maintes fois. Seule une révolution majoritaire peut aboutir à une société sans classes.

dimanche 11 septembre 2011

La gratuité des transports

N’avez-vous jamais pensé combien il est absurde d'avoir à payer pour voyager dans le métro ? Ou au gaspillage que représente le coût de l'impression des billets, de la rémunération des agents qui les vendent et qui les contrôlent et, last but not least, de l'installation de tourniquets de plus en plus sophistiqués dans le seul but d'empêcher les gens de voyager gratuitement ?

Dans le socialisme l'accès aux transports collectifs sera gratuit car ce sera une société amonétaire où l'accès sera libre pour tous à tout ce dont ils ont besoin. Mais la gratuité d'accès aux transports publics peut exister également dans le cadre du capitalisme.

Isolée du contexte de la gratuité généralisée qui régnera dans la société socialiste, la gratuité des transports ne serait qu'une réforme du système capitaliste. Une argumentation philosophique ou morale n'influence en rien le capitalisme. Les gestionnaires de ce système n'acceptent que les réformes qui bénéficient à une quelconque section de la classe capitaliste. C'est-à-dire que si la gratuité des transports était adoptée, ce serait pour servir l'intérêt d'un groupe spécifique de capitalistes, par exemple les employeurs du centre de Paris qui pourraient verser des salaires plus bas n'ayant plus besoin d'y inclure un montant pour couvrir les frais du voyage aller-retour domicile-lieu de travail.

C'est pourquoi, tout en comprenant pourquoi certains voudraient la gratuité d'accès aux transports même dans le cadre du capitalisme, nous préférons concentrer nos efforts sur la propagation de l'idée d'une société où l'accès sera gratuit et libre pour tous à tous les produits et services, ce qui présuppose la possession commune et la gestion démocratique de tous les moyens de production et de distribution.


jeudi 1 septembre 2011

Les émeutes à Londres

Voici un commentaire assez intéressant sur les émeutes à Londres le mois passé qui vaut d'être diffusé plus largement:
Il y a de la folie dans l’air – tant de la part des émeutiers que des dirigeants, de manières très différentes, et que va-t-il surgir de là ? La majorité de la population regarde et a du mal à y croire. Mais, de l’activité de classe, il n’y en a pas.

L'ampleur des émeutes – dans beaucoup de grandes villes – suite à celles qui ont démarré à Londres, prouve que les conditions et les ressentiments sociaux sociaux sont disséminés dans tout le pays. De toute évidence, la marginalisation d’une grande partie de la jeunesse crée le terreau où germent la fureur et le nihilisme. Les conditions dans lesquelles ils vivent ne proviennent pas de la politique du gouvernement actuel (comme l’a déclaré le chef des Députés du parti travailliste, Harman) mais de décennies de gouvernements successifs restructurant l'activité économique et la dépouillant autant que possible de toute vie sociale, afin de réduire le salaire social. Comme partout ailleurs dans le monde, ce processus a éjecté des millions de personnes du processus de production au Royaume Uni. Donc beaucoup de nos jeunes ne voient aucun futur dans cette situation ; et ils ont raison. En même temps, ils voient les affichages les plus éhontés de la richesse, le culte de la cupidité par les banquiers, les escroqueries par des parlementaires siphonnant des dépenses indignes vers leurs propres poches, et, plus récemment le dévoilement de rapports hautement profitables entre les journalistes, la police, les avocats et les politiciens ; chacun savait qu'ils étaient tous corrompus, c’est juste qu’à présent l'évidence est indéniable. Ce n’est pas étonnant que les pillards aient parlé de « prendre » tout comme l’ont fait les riches.

Beaucoup, emportés par l'adrénaline sociale, ont été pris dans l'action. Participer à une émeute et à un pillage n’est pas la même chose. Les jeunes et les enfants impliqués. Batailles avec la police. Cibler les magasins les plus impersonnels ; également quelques marques emblématiques. Mais également une violence qui conduit au pillage de petits magasins locaux, mettant le feu aux maisons et causant des morts ; se retournant également contre leurs propres voisins. Ce n'était pas seulement la jeunesse et des enfants sans emploi simplement ; ceux qui se sont retrouvés pris incluaient des adultes ayant un emploi.

Ces pillage et incendies n'ont rien à voir avec la distribution sociale de biens de première nécessité ; c'était une remise en vigueur physique de ce que la bourgeoisie fait à la société. Jusqu’à présent, je n’y ai trouvé aucun contenu de classe. Concernant l'activité collective positive, on a pu voir des locaux se rassembler pour défendre leurs propriétés. En d’autres termes, ils défendaient leurs voisins, non contre la violence des casseurs d’un Etat du Maghreb, mais contre la folie de jeunes gens locaux. Cependant, il y avait un courant de compréhension sur lequel je reviendrai.

La folie de l'état et de la classe régnante est d'un genre différent – partant de leur côté des rues pour atteindre les marchés mondiaux – et se manifeste dans les questions tortueuses et les relations qui tissent la bourgeoisie. À Tottenham, les événements actuels se sont déclenchés suite à ce qui semble avoir été encore une autre exécution expéditive d'Etat dans une opération de police. La cruauté de la police vis-à-vis la famille de la victime était évidente – ce qui n’est pas rare – et a certainement excité les personnes locales. Dans la réaction de police à ce moment et pendant les jours qui suivent, les tensions déjà fortes entre eux et le gouvernement n’ont fait qu’augmenter. Aux plans pour opérer de larges coupes dans les budgets de la police et dans la police métropolitaine de Londres s’est ajoutée la démission d’un commissaire en chef et d’un commissaire en chef auxiliaire au cours des dernières semaines suite à leurs rôles dans les rackets de piratage téléphonique. Le manque de « réponse appropriée » aux émeutes, comme le disent les politiciens à présent, peut certainement être vu comme un avertissement vis-à-vis du gouvernement à propos des conséquences d’actes contre leurs intérêts. Et même à présent les porte-parole de la police et du gouvernement s’invectivent publiquement alors que les braises des feux urbains sont encore chaudes.

Ce n’est pas que la police soit la seule à faire pression sur le gouvernement. L’industrie - en particulier les PME (petites et moyennes entreprises) – se plaignent toujours avec véhémence à propos du comportement des banques vis-à-vis d’elles et de la difficulté de trouver le type de financement dont elles ont besoin pour s’élargir. Elles veulent que le gouvernement fasse davantage pour soutenir ce type d’industrie. Le militaire gronde à propos des engagements donnés alors que les budgets diminuent. Le service de santé est transformé en désastre. Ces coupes budgétaires amputent tous les aspects de l'Etat et dans la plupart des autres sections du capital ; le secteur favorisé demeure celui des services financiers. Le gouvernement se tient toujours sur sa politique de fortes coupes budgétaires à la consternation de plusieurs sections de la classe dominante. Il semblerait que son objectif soit toujours de regarder du côté de la finance comme moyen d’empêcher les effets de la crise mondiale. Cette semaine le chancelier de l'échequier, Osborne, insistait encore sur l'importance que le monde voie le R-U comme un asile, un refuge pour le capital mondial. Naturellement, la vision de Londres en proie aux flammes ne colle pas avec cette image d’un asile politiquement et socialement stable pour leur capital.

Les scandales récents et le courage récemment découvert des politiciens britanniques de critiquer l'empire de Murdoch ont fourni un écran de fumée qui a détourné l’attention publique au R-U de l'état de détérioration de l’économie mondiale et des turbulences dans la zone euro. Osborne et les autres ministres des finances européens savent tous que les perspectives économiques sont désespérées et ils ne savent juste pas quoi faire. Ils peuvent voir qu'ils n'ont aucune solution – mais ils doivent faire quelque chose. Ils sont confrontés à un système qui est inondé d’argent, et il est néanmoins en faillite. Il n’est pas étonnant qu’ils exsudent un sens de folie. (Le comportement de la classe politique des USA à propos de la législation sur le plafond de dette prouve que la bourgeoisie britannique n'est pas la seule).

Ils peuvent n’avoir aucune solution à leurs problèmes mais la classe régnante du R-U – comme toutes les autres – devra suivre une certaine ligne de conduite, dont une partie sera d’affronter la désaffection sociale à travers le pays. Quand ils auront trié leurs conflits avec la police, quoi qu’il se passe, ils se tourneront vers les rues, et nous serons tous les cibles. Ce sera bientôt.

J'ai dit qu'il y a de l’évidence d'un courant de compréhension. Bien que les médias se soient concentrés sur le côté gratuit et criminel et continuent à faire des interviews pour dénoncer ou pour noyer la discussion dans un papotage moraliste, certaines personnes dans les rues ont eu des réflexions saines sur les événements. Il fut impressionnant d’entendre un grand nombre de personnes – dont certaines victimes des actions particulières – dire qu’elles étaient contre ces actions, mais qu’elles pouvaient voir d’où venaient ces jeunes gens et pourquoi les émeutes ont eu lieu. D’autres ont posé la question : "pourquoi étions-nous les magasins pillés ? – en Egypte les émeutes ont eu lieu contre le gouvernement ". Il y avait également des critiques sociales perspicaces accompagnées de l’idée que ce n’était pas une façon d’aller de l’avant. Pour moi, cela montre la nécessité absolue d’une expression de classe qui peut donner un contexte au développement de la conscience, et un focus pour l’action collective. En dehors de cela, les explosions de colère peuvent être dangereusement auto-défaite. Je ne sais pas ce qui doit survenir, et il était frustrant de ne pas voir d’expression politique plus explicite. Cela montre certainement que la misère n’engendre pas automatiquement la conscience. Nous verrons ce qui se développe dans le futur.

Marlowe, 12 août

samedi 6 août 2011

Ils ont raison (8)

Claude Berger dans Pour l’abolition du salariat (1976)
On passe des heures ennuyeuses, fatigantes, en état de soumission, dans la seule attente de la sortie du boulot et de la monnaie finale. Sans broncher. Sans rire et sans chanter. « Faut bien vivre », comme on dit. Or la plupart des produits fabriqués sont socialement inutiles du point de vue d'une société non-salariale puisque leur seule utilité est ici marchande : elle enchaîne le salarié à la consommation pour réaliser en argent le travail gratuit qu'on vient de lui prendre ! Qui en profite ? Le capital et toute sa hiérarchie salariée qui use du savoir et du pouvoir. Par ailleurs, dans le cadre du salariat près de la moitié des salariés ordinaires passe son temps à surveiller, à contrôler un travail fait sans motivation et sans passion, dans le désintérêt total, ou à comptabiliser et vendre le surtravail des autres afin de le transformer en marchandise et en argent. On mesure l'énorme gâchis de temps de travail, sans parler de celui consommé par l'oppression étatique, par la centralisation économique et le gigantisme des échanges de la société salariale.

Supprimez le capital et le salariat, le salaire et l'argent, l'Etat et l'économie de marché des produits, inséparable de l'économie de marché des hommes, et vous libérez une masse énorme de temps de travail. Ajoutez le temps disponible de tous les reclus qui voudraient bien produire un peu mais pas trop, les vieux, les enfants, les handicapés, les femmes vouées au rôle de reproductrice ou de gardienne au foyer, mettez toutes les hiérarchies au travail productif et vous aboutissez au compte suivant : deux heures de travail par jour pour la production de biens socialement utiles suffiraient amplement pour vivre enfin dans une société non-salariale.

jeudi 14 juillet 2011

Le 14 juillet

Citoyen, d'où vient que tu as le coeur en fête à date fixe : le 14 juillet ?

Est-ce bien ta révolution qu'est fêtée ou celle de ton patron ?

Et pourquoi la « nation » ne fêterait-elle pas plutôt la naissance de la Ve république ou de la IIIe ?

Tu t'en fous avec raison : ta révolution n'a pas encore eu lieu ; c'est celle des
travailleurs.

En 89, les bourgeois ont gagné... en 71 aussi... en 58 aussi... en 68 aussi !

Quand gagnerons-nous, nous de la classe travailleuse ?

Quand aura lieu la révolution socialiste ?

Quand tu auras pris toi aussi conscience de sa nécessité...

DGV

mercredi 29 juin 2011

Le nucléaire : pour ou contre ?

Est-ce qu'il faut être contre le nucléaire par principe, c'est-à-dire non seulement dans la société capitaliste avec sa production pour le profit, ses bombes à neutron et ses gaspillages, mais aussi dans une société plus rationnelle où l'on produirait pour la seule satisfaction des besoins humains ?

Pas forcément. Bien sûr, il faut rejeter par principe toute utilisation du nucléaire à des fins militaires. En effet les bombes et les essais nucléaires sont beaucoup plus dangereux pour l'humanité que les centrales nucléaires, même si c'est plutôt contre ces dernières que le mouvement anti-nucléaire dirige ses attaques.

De toute façon, dans le système capitaliste où la compétitivité compte avant tout, nous ne pouvons rien pour empêcher aux gestionnaires du capitalisme de construire des centrales nucléaires si de telles centrales produisent effectivement de l'électricité meilleur marché que d'autres types de centrales.

Mais qu'en serait-il après l'abolition du capitalisme, dans une société où l'on produirait pour la seule satisfaction des besoins et non pas pour la vente et le profit ? Il est vrai que la technologie de la fission nucléaire n'est pas encore au point, surtout en ce qui concerne le problème des déchets, pour avoir beaucoup recours à des centrales de ce type ; même si, on peut en être certain, bien avant les millions d'années dont on parle, l'humanité aura trouvé comment « de-radioactiver » ces déchets. On pourrait dire même qu'il faudra limiter de telles centrales au strict minimum et les utilise uniquement en attendant le développement de sources alternatives d'énergie. Parmi ces sources : la fusion nucléaire.

Car le nucléaire ce n'est pas seulement des centrales à fission nucléaire mais aussi des centrales à fusion nucléaire, c'est-à-dire basées sur la fusion d'atomes d'hydrogène pour former un atome d'hélium (réaction identique à celle qui produit l'énergie du soleil). La fusion nucléaire pourra bien être la solution aux problèmes énergétiques de l'humanité à l'avenir une source, quand on l'aura maîtrisée, d'énergie illimitée — la matière première, un isotope d'hydrogène, se trouvant dans la mer en abondance — non polluante, puisqu'il y a moyen de la produire sans déchets radioactifs.

Avec une telle source d'énergie, et dans une société rationnelle, l'humanité pourra éliminer à jamais la faim et la misère dans le monde et appliquer le principe « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins ». En d'autres termes, ce sera l'abolition de l'argent et l'établissement d'un libre accès pour tous à tout ce qu'il faut pour vivre. Même après l'abolition du capitalisme il faudra donc continuer la recherche dans le domaine de la fusion nucléaire afin de mettre au point aussitôt que possible une centrale à fusion.

On affirme souvent que « la société nucléaire sera forcément centralisée, policière et aliénante ».

Dans le capitalisme certainement (mais pas à cause du nucléaire : un capitalisme sans nucléaire serait — et était quand il existait, jusqu’aux années 5O — tout aussi centralisé, policier et aliénant), mais l'anarchiste Kropotkine a bien compris (dans Champs, Usines et Ateliers) la possibilité décentralisatrice de l'électricité. Elle permet (dans une société rationnelle, non capitaliste) la déconcentration et la décentralisation de l'industrie dans de petites villes de, disons, dix mille habitants et donc beaucoup plus vivables que les agglomérations d'aujourd'hui. Cette possibilité existe indépendamment de la méthode employée pour générer l'électricité.

En conclusion donc :

1° Tant que le capitalisme durera, et tant que le nucléaire sera une source assurée et relativement bon marché d'électricité, on ne pourra rien pour empêcher la construction de centrales nucléaires. Mieux vaut diriger nos efforts en vue de l'abolition du capitalisme.

2° Un recours au nucléaire n'est pas à exclure à priori après l'abolition du capitalisme. Au contraire la fusion nucléaire serait peut-être la solution aux problèmes énergétiques pour les siècles à venir.


samedi 18 juin 2011

Lénine et le capitalisme d'Etat

Bouquin trouvé dans une librairie d'occasion : Lénine sur l’économie édité chez 10/18 en 1978.

Il s'agit des extraits d'écrits de Lénine sur l'économie, à partir des premiers moments où il combattait l'illusion de Narodniks selon laquelle le capitalisme ne se développerait jamais en Russie à cause de l'absence de marchés (illusion que Rosa Luxemburg développa plus tard en une théorie complète de l'effondrement du capitalisme, le rejet de quelle illusion est un de nos rares points communs avec Lénine) jusqu'à ses derniers articles lorsqu'il était mourant et désillusionné (1923).

On y trouve inclus la plupart des passages dans lesquels il préconisait le capitalisme d'Etat comme la seule solution de progrès, vu le retard économique de la Russie de 1917 et la non-apparition d'une révolution mondiale socialiste. Voici ce qu'il a dit le 29 avril 1918 lors d'une séance du comité exécutif du parti bolchevique :
« La réalité dit que le capitalisme d'Etat serait pour nous un pas en avant. Si nous pouvions en Russie réaliser sous peu ce capitalisme d'Etat, ce serait une victoire. »
Dans un article écrit en septembre 1917, avant la prise de pouvoir par les bolcheviques Lénine s'est exprimé ainsi :
« (...) le capitalisme monopoliste d'Etat est la préparation matérielle la plus complète du socialisme, l'étape de l'histoire qu'aucune autre étape intermédiaire ne sépare du socialisme. »
Il l'a répété en mai 1918 après la prise de pouvoir:
« (...) le capitalisme d’État qui, est, sous le pouvoir des Soviets, l'antichambre du socialisme, la condition de la victoire durable du socialisme. »
Les bolcheviques ont bien réalisé le capitalisme d’État en Russie, mais il ne s'est montré aucunement qu'il était « l'antichambre du socialisme » comme l'espérait Lénine. La Russie est restée capitaliste d’État jusqu'à la chute du régime bolchevique en 1991 sans la moindre trace de socialisme.

Malgré l'introduction nulle du maoïste Schneider, c'est un livre de référence utile pour les socialistes.


jeudi 9 juin 2011

Objections

Le socialiste: Dans une société socialiste les gens pourront obtenir la nourriture, les vêtements et autres objets dont ils ont besoin pour leur consommation personnelle en allant les retirer d’un centre de distribution sans délivrer d’argent ni de bon quelconque.

L'objecteur:
Mais c'est du communisme ça, c'est du rationnement...

Socialiste: Au contraire, c'est le capitalisme qui est le rationnement. On est rationné par le montant d'argent qu'on a et la règle « pas d'argent, on ne peut pas avoir » s'applique. Dans le socialisme (la même chose que le vrai communisme), c'est le principe « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » qui s'applique. Dans un monde d'abondance, tel que le socialisme le sera, rendu possible par les avancées de la technologie, le rationnement n'est pas nécessaire

Objecteur: Si chacun se sert "librement", qu'est-ce qui fait qu'à un moment on ne va pas dépasser le seuil de renouvelabilité d'une ressource naturelle ? Il faudra bien alors "rationner". Donc, ce ne sera pas si "librement" que ça, puisqu'à un moment donné certains produits vont être absents des étagères et les derniers arrivés n'auront rien.

Socialiste: Tu ne prends pas en compte le gaspillage engendré par le système monétaire qu'une société socialiste éliminerait. Les ressources seront donc suffisantes pour subvenir aux besoins de tout le monde. On consommera beaucoup moins de ressources qu'aujourd'hui. Et tu ne tiens pas compte des possibilités de l'automation.

Objecteur: De même, s'il y a une pénurie pour une toute autre raison: manque de travailleurs dans tel secteur, mode qui n'a pas été anticipée suffisamment, etc., pareil: derniers arrivés pas servis.

Socialiste: Bien entendu si une pénurie se produit (à cause, p. e, d'un tremblement de terre) il faudra introduire un rationnement temporaire. Après la crise on peut revenir au libre accès.

Objecteur: Tu parles d'anticiper ces pénuries en faisant des prévisions statistiques basées sur une faible variation de la consommation. Il y a donc là encore une hypothèse qui est faite, un risque qui demeure.

Socialiste: Je crois que la société peut prendre ce risque. Tu crois qu'il y aurait des variations fortes de la consommation ? Si oui, pour quelle raison?

Objecteur: Ce système suppose qu'il y ait des stocks disponibles en permanence, d'où un risque de surproduction (si baisse imprévue de la consommation d'un bien donné).

Socialiste: Ça, ce sera un problème ? On réduira la production pour liquider les stocks.

Objecteur: Ce système va développer la tentation de se servir rapidement, et donc, une certaine avidité. Comme dans le système actuel.

Socialiste:
Pourquoi ? Je ne comprends pas. Pourquoi prendre plus que ce dont on a besoin? Ça n'aurait aucun sens.

Objecteur: Dans le système que tu décris, je suppose que l'on fait confiance à l'altruisme naturel en situation d'abondance pour que tout le monde travaille spontanément là où il y a besoin compte tenu des tendances de la consommation ?

Socialiste: Non, une société socialiste avec libre accès ne demandera pas plus d'altruisme qu'il n'en existe aujourd'hui. Personne n'a jamais envisagé des décisions travailleuses spontanées. Bien entendu, bien que le travail soit volontaire dans le sens d'automotivé, il serait quand même organisé. Les gens s'engageraient à travailleur pendant une période à un travail particulier à un endroit particulier et il n'y aucune raison pour supposer que, dans les circonstances nouvelles, ils ne respecteraient pas leur engagement. Pourquoi feraient-ils cela (ne me dis pas que les gens sont paresseux)? L'important est qu'ils ne seraient pas obligés de travailleur par la menace d'une réduction de leur consommation, comme tu proposes. En fait le lien entre le travail et la consommation individuels serait cassé.

Objecteur: Je me demande si l'être humain n'a pas besoin de préserver la compétition. Est-il prêt à arrêter d'être compétitif? Les êtres humains, ne sont-ils pas compétitifs par nature ?

Socialiste:
On est « compétitif » aujourd'hui parce qu'on y est obligé. C'est le conditionnement par le système.

Objecteur:
Mais tout le monde ne pourra avoir libre accès à une Ferrari.

Socialiste: N’as-tu jamais considéré pourquoi les gens veulent une Ferrari ? C'est parce qu’en avoir est un signe de réussite, de prestige et nous sommes conditionnés d'admirer les riches, qui ont les moyens d'acheter une Ferrari (ou/et une villa sur la Riviera, etc.) et donc de vouloir vivre comme eux.

Objecteur: Tu rêves l'ami.

Socialiste:
Dans les paroles de John Lennon:

Vous pouvez dire que je suis un rêveur,
Mais je ne suis pas le seul.

mercredi 1 juin 2011

Le socialisme et le paranormal

Le monde ne va pas changer de lui-même en fonction des prédictions ésotériques. Seuls nous, les hommes, pouvons le changer en agissent en fonction des connaissances scientifiques.

On peut expliquer la préhistoire et l'histoire des hommes sans avoir recours à ces concepts nébuleux et non scientifiques tels que le "Plan divin" ou la "force spirituelle". Nous ne sommes pas les jouets d'une telle force extérieure au monde d'expérience. Le futur n'est pas écrit, ni dans un plan surnaturel, ni dans les étoiles. Nous devons construire notre avenir nous-mêmes sans attendre l'intervention d'une "force spirituelle" mythique et imaginaire.

De toute façon, ce sont seulement les connaissances scientifiques de notre époque qui fournissent les moyens de construire un monde meilleur - l'électricité et les ordinateurs par exemple qu'aucun savoir ancestral n'a prédit.

Nous sommes sujets assez faiblement à des rayons cosmiques, c'est vrai, mais croire que ces rayons peuvent influencer nos pensées et notre comportement, c'est de l'astrologie et on sait que l'astrologie est en contradiction totale avec les faits (et avec le bon sens).

La physique quantique, non plus, n'a rien à voir avec la spiritualité. C'est une théorie pour décrire et expliquer les actions et réactions observées des particules sous-atomiques. Elle ne s'applique pas aux choses de notre expérience de tous les jours.

On prétend souvent que “la physique quantique a une théorie qui indique que notre pensée et le simple fait que l'on regarde quelque chose a une influence sur le comportement sur les choses, donc on peut faire des liens avec la spiritualité.” Cela, ce n'est qu'une interprétation philosophique assez douteuse de la physique quantique. Voir cette conférence dont voici un extrait:
Les tenants de l’interprétation subjectiviste soutiennent ainsi que c’est la mécanique quantique elle-même (la science) qui nous enseigne que la réalité est fondamentalement subjective, qu’elle dépend des choix et/ou des perceptions des êtres dotés de conscience. Les êtres dotés de conscience en général et l’être humain en particulier deviennent le centre philosophique de l’Univers, ils donnent réalité à celui-ci et déterminent ses propriétés par leurs choix et/ou leurs perceptions. Les grandeurs dynamiques qui deviennent réelles sont définies de manière acausale et aléatoire.

L’interprétation subjectiviste, avec ses trois variantes, est extrêmement populaire chez les gourous du Nouvel-Âge et chez nombre de philosophes ; elle se situe souvent au coeur des conceptions irrationnelles de la réalité qu’ils professent. La mécanique quantique est alors invoquée comme fondement, justification ou preuve scientifique de telles conceptions. Cela est aussi vrai, malheureusement, de certains physiciens et journalistes scientifiques qui, de par leur statut, confèrent à l’interprétation subjectiviste, avec ses trois variantes, l’apparence d’une crédibilité qu’elle ne possède pas.

Il faut ici spécifier que les idées principales véhiculées par les différentes variantes subjectivistes sont beaucoup plus anciennes que la mécanique quantique et l’interprétation de Copenhague. Ce qui est nouveau avec la venue de la mécanique quantique et de l’interprétation de Copenhague, c’est la prétention à asseoir ces idées sur la science. Les scientifiques, avec leur raison et leurs instruments, auraient fini, tardivement et péniblement, par découvrir et prouver ce que les grands sages de l’histoire, avec leur intuition et/ou leur foi, ont toujours su !

L’interprétation subjectiviste, avec ses trois variantes, est irrationnelle car en contradiction avec la physique (la science). Elle est aussi en contradiction avec la variante radicale de Bohr de l’interprétation (philosophique) de Copenhague, dont elle dérive pourtant. Selon la physique et l’interprétation de Copenhague, la réalité (matérielle) est indépendante de l’esprit.
Le matérialisme moniste moderne ne dit pas que l'univers est composé d'atomes séparés. Il n'existe que comme un tout. C'est la seule "réalité". C'est nous, les hommes, qui le divisons conceptuellement en parties auxquelles nous donnons un nom dont "atome" en est un. Il s'ensuit que les atomes (et les particules sous-atomiques) n'existent pas séparément mais seulement comme une partie de l'univers.

Cela ne veut dire que les atomes, les chaises, etc. ne sont qu’"une construction de l'esprit". Nous les construisons dans nos esprits des matériaux que nos sens rencontrent, en vue de mieux comprendre l'univers et survivre là-dedans. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre la physique quantique, comme une théorie (construction) pour expliquer une partie précise de l'univers. Toutefois l'univers externe (dont nous et nos esprits font partie) existe indépendamment de nos constructions conceptuelles.

Pour faire changer le monde il faut une approche rationnelle et scientifique, pas des mystifications "Nouvel Age".

samedi 21 mai 2011

Le socialisme, un concept maltraité

Au cours du temps, le concept de socialisme a subi de nombreuses variations, modifications, déviations et récupérations. A la fin du 19ème siècle et au début du 20ème, le terme socialisme jouissait d’un grand pouvoir de séduction. La plupart des partis préoccupés par la « question sociale », l’amélioration de la condition des travailleurs et l’instauration d’une société « meilleure », se disaient socialistes ou sociaux-démocrates. Cette popularité était telle que, au fil du temps, elle lui valut d’être récupéré, même par les courants qui lui étaient opposés, pour s’attirer les sympathies de la population.

Ainsi, en Russie, après la prise du pouvoir par les bolcheviques, les crimes et massacres commis sous Lénine et Staline le furent sous prétexte de la défense du socialisme. Plus tard, lorsque Hitler entreprit l’aventure qui allait l’amener au pouvoir, le parti qu’il fonda, il ne l’appela pas national-capitaliste (auquel cas, il se serait condamné à un échec irrémédiable !) mais national-socialiste (d’ailleurs, quel parti capitaliste s’appelle Parti capitaliste justement ?). Après la guerre, le programme de nationalisations mis en œuvre par le gouvernement travailliste britannique fut qualifié de socialiste.

De nos jours, les choses ont bien changé. Les horreurs perpétrées dans les pays « socialistes », de même que les compromissions et la corruption de nos gouvernements et partis « socialistes » s’en sont efficacement chargés… la propagande des médias capitalistes et « socialistes » faisant le reste, au point que le terme socialisme est désormais indissociable, dans les pays occidentaux, du PS français, du PSOE espagnol ou du SPD allemand, dans le meilleur des cas, et de pays tels que la Chine « communiste », le Viet Nam, la Corée du Nord ou Cuba, dans le pire.

De leur côté, les gouvernements capitalistes et leurs partisans (médias, intellectuels, hommes politiques), trop contents de nous montrer la « chance » que nous avions de ne pas avoir vecu de l’autre côté du Rideau de fer, ne rataient pas une occasion de dénoncer les horreurs commises dans la Russie « socialiste » et ses satellites. Ainsi, grâce aux puissants moyens de propagande des uns et des autres, ce matraquage idéologique a imprégné la conscience d’une majorité des habitants de la planète.

Au cours des années, ce terme a été à un tel point galvaudé, déformé, décrié, traîné dans la boue et utilisé par les organisations les plus diverses, par les dictatures les plus criminelles et par des gouvernements « socialistes », que rien ne distingue de leurs homologues ouvertement capitalistes, que la tentation pourrait être forte de l’abandonner.

Pourtant, parce que nous sommes les héritiers d’une longue tradition de socialistes, mais aussi, parce que changer de nom, adapter son langage et son vocabulaire chaque fois que nos adversaires et la propagande officielle s’attachent à le dénaturer, c’est capituler et exposer chaque nouveau terme choisi par nous à de nouvelles tentatives de dénigrement, nous restons attachés à l’utilisation du terme socialisme. Socialistes nous sommes, socialistes nous le restons. Ceci dit, ce qui est important, ce n’est pas tant la formule employée que le contenu qu’on lui donne. D’autres expressions sont tout aussi valables : communisme, démocratie sociale, république sociale, la « sociale » comme on disait autrefois, etc.


samedi 14 mai 2011

Un seul monde

Un certain nombre d'auteurs sur l'écologie se rendent compte déjà qu'il n'y a pas de solutions nationales aux problèmes de l'environnement, de la pollution et du gaspillage des ressources mondiales. La planète forme une entité écologique si bien que c'est seulement à l'échelle planétaire que peuvent être résolus les problèmes écologiques.

Malheureusement, cette conscience mondiale ne va pas assez loin et s'arrête à exiger la mise en place d'un gouverne ment mondial ou d'organismes mondiaux pour traiter des problèmes de l'environnement sans changer le fondement capitaliste de la société. C'est pourquoi les solutions qu'ils proposent ne peuvent être au mieux que des palliatifs; ils traitent des effets, laissant la cause — le monopole des ressources mondiales par une seule partie de la population humaine et la production de biens en vue du profit — intacte.

Pour nous il ne suffit pas d'avoir une administration mondiale. Tout ce qui est dans et sur la terre doit aussi devenir le patrimoine commun de toute l'humanité. Seulement sur cette base-là, libérée des intérêts du capitalisme, l'humanité peut-elle rationnellement traiter la question de sa relation avec le reste de la Nature. La production des richesses serait alors sous la direction démocratique sociale et serait actionnée non seulement pour faire face aux besoins, suivant le principe "de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins", mais aussi de protéger l'environnement et de préserver intelligemment les ressources.


mercredi 4 mai 2011

Le socialisme : monde d'abondance

L'appareil productif actuellement à la disposition de l'homme est capable de fournir une abondance de biens et de services pour la satisfaction des besoins humains. Autrement dit, on a résolu le problème de la production. On a vaincu la rareté. La plupart des gens, cependant, continue à subir, à des degrés divers, la rareté. Cette contradiction s'explique par le fait que le système de distribution, de répartition, des richesses reste toujours fondé sur l'âge de la rareté. Le système de prix-salaires-profits ne correspond plus aux exigences de la technologie.

Le but de la production aujourd'hui n'est pas la satisfaction des besoins humains, mais c'est de faire des profits. « Pas de profit, pas de production » est la règle économique fondamentale d'aujourd'hui. C'est pourquoi la production s'arrête bien avant que les besoins humains soient satisfaits. Si, dans le système actuel, on utilisait l'appareil productif à sa pleine capacité il résulterait une telle abondance de richesses que les prix auraient tendance à tomber vers zéro. On ne ferait plus de profits et on ne gagnerait donc plus d'argent, ni pour entretenir ceux qui vivent des profits ni pour réinvestir dans la production. Tout simplement l'abondance tue les profits. C'est pourquoi ceux qui gèrent le système économique actuel sont obligés de faire tout ce qu'ils peuvent pour empêcher l'abondance de se manifester. Ils sont obligés de maintenir une rareté artificielle afin de préserver le profit, sans lequel le système actuel ne peut fonctionner. Il arrive qu'ils ne réussissent pas à le faire, en particulier dans le domaine de l'agriculture, et la seule « solution » est alors de détruire l'abondance : de verser du lait dans des mines désaffectées, d'enfouir des légumes dans le sol, de laisser des fruits pourrir sur les arbres. Le problème de la misère dans l'abondance est réglé en supprimant l'abondance plutôt qu'en la distribuant à ceux qui en ont besoin ! De plus, le système de prix-salaires-profits est non seulement un système de rareté artificielle, c'est aussi un système de gaspillage organisé : les biens sont fabriqués pour ne pas durer trop longtemps afin de maintenir des ventes et ainsi des profits. Les ressources du monde sont pillées en vue d'un profit immédiat. Et puis, il y a les armements...

Si la production est aujourd'hui organisée sur une base absurde, la consommation l'est également. Ici la règle fondamentale est « pas argent, pas de consommation ». Sans argent nos besoins sont ignorés si urgents qu'ils soient. La source de l'argent pour la grande majorité des gens cependant, c'est les salaires qu'ils reçoivent de la vente de leurs énergies mentales et physiques à un employeur. Le salaire est un prix et comme tout prix, il est fixé par le coût de production - dans ce cas, le coût des biens et des services que le travailleur consomme afin de se maintenir en état de travailler. Dans le système actuel la consommation de la grande majorité, c'est-à-dire, celle des travailleurs salariés (ouvriers, employés, fonctionnaires), est forcément restreinte à ce niveau. Ils sont rationnés par leur feuille de paie et de ce fait ne constituent pas un débouché assez grand pour absorber l'abondance des biens et des services que l'industrie moderne peut fournir. Cette situation est inhérente au système de prix-salaires-profits où le pouvoir d'achat clé la plupart des gens dépend du prix qu'ils reçoivent de la vente de leur force de travail.

Le système de prix-salaires-profits est irrationnel et ne sert pas l'intérêt de l'humanité. Il faut donc l'abolir. Il faut le remplacer par un système organisé sur une tout autre base, où les moyens de production seront devenus le patrimoine commun de tous. Sur cette base l'abondance virtuelle de l'industrie moderne pourra être réalisée et les besoins humains pleinement satisfaits. Il s'agira d'inventorier ces besoins, de planifier la production afin de les satisfaire, et par la suite de distribuer les biens et les services ainsi produits à ceux qui en ont besoin. L'économie d’échange disparaîtra, et avec elle l'argent, les prix, les salaires et les profits. Les hommes et les femmes participeront au travail de production de l'abondance, une abondance à laquelle, ce devoir social rempli, ils auront le libre accès selon leurs besoins in dividuels. Le principe socialiste « de chacun selon ses capacités, à chacun selon ses besoins » pourra être rapidement appliqué.

Avec le vrai socialisme tel que nous venons de le décrire l'humanité passera de l'âge de la rareté à l'âge de l'abondance. Le problème de la distribution sera à son tour résolu. Le privilège cédera la place à l'égalité,la privation au confort, et l'insécurité à la sécurité.

mercredi 27 avril 2011

Le réformisme au Québec

En 2006 des indépendantistes de gauche et des altermondistes ont créé « Québec solidaire ». Lors des élections provinciales de décembre 2008 un de leurs candidats était élu. A la fin du mois dernier le parti a tenu un congrès de réflexion sur son programme.

Un des documents de base était un manifeste publié le 1er mai 2009, intitulé « Pour sortir de la crise : dépasser le capitalisme ? » dans lequel on lit:
« En élaborant notre programme, nous devons préciser la nature de ce système ainsi que ses limites et poser la question, à savoir si le capitalisme, basé sur la recherche du profit privé et sur l’exploitation irresponsable de la nature, n’est pas devenu l’obstacle principal au progrès social et à l’établissement d’un rapport sain avec l’environnement. Il faut donc un débat sérieux sur la question, afin de déterminer si les problèmes que nous vivons comme société peuvent être corrigés par des réformes qui respectent la logique de ce système, ou s’il faut adopter comme perspective son dépassement. »
Le capitalisme est bien « l’obstacle principal au progrès social et à l’établissement d’un rapport sain avec l’environnement ». Ceci étant, évidemment « les problèmes que nous vivons comme société ne peuvent être corrigés par des réformes qui respectent la logique de ce système ».

Mais voici le hic : ce passage laisse ouverte la possibilité qu’il pourrait y avoir d’autres réformes qui soi-disant ne respectent pas la logique du capitalisme. Autrement dit, que l’on pourrait dépasser le capitalisme progressivement par une série de réformes « anti-capitalistes » -- comme si les partis sociaux-démocrates d’autrefois ne l’avaient pas tenté et n’avaient pas échoué lamentablement. Non pas parce qu’ils n'étaient pas assez résolus dans leur anticapitalisme mais parce qu’aucun gouvernement ne peut faire marcher le système capitaliste dans l’intérêt de tous.

Finalement, ce ne sont pas ces partis qui ont changé le capitalisme. C’est l’inverse qui s’est produit: le capitalisme les a changés en simples gérants du système.

dimanche 17 avril 2011

Ils ont raison (7)

Gustave Rodrigues dans Le Droit à la vie (1934).
Supprimons la monnaie !

Mais l’effet le plus remarquable du progrès technique, c’est de faire sortir du cercle du commerce et des échanges un grand nombre des biens qu’il contenait originairement parce qu’ils étaient rares et qui tendent à s’en évader à mesure qu’ils abondent. Comme ce changement date d’hier, nous nous en rendons difficilement compte. Mais de jour en jour il s’impose davantage à notre réflexion. Et c’est lui qui nous apporte la seule solution rationnelle du problème.

Qu’on nous permette une anticipation qui, à notre sens, ne devance que de fort peu les réalisations futures. Imaginons que brusquement l’homme cesse de produire en vue de profit et qu’il se propose uniquement la satisfaction des besoins. Du coup les perspectives économiques sont changées. Il ne s’agit plus d’accaparer la production pour le compte de quelques-uns, ce qui conduit à la raréfier, mais de la distribuer aussi largement que possible à tous, ce qui amène à l’intensifier. L’abondance cesse d’être une catastrophe pour devenir un bienfait. Il n’y aura plus d’autre limite à la production que l’assouvissement complet de tous les désirs de tous, ce qui pratiquement entraîne un formidable développement du machinisme, une hausse immédiate du niveau de la vie générale.

Ce jour-là pourrait et devrait être proche, disons plus, si l’humanité était compréhensive elle devrait déjà l’avoir atteint. Les technocrates américains prétendent qu’on pourrait dès maintenant faire de chaque Américain moyen—et quel est l’Américain qui n’appartiendrait pas à la moyenne?—si les machines des Etats-Unis donnaient le plein de leur production, un individu disposant de 20.000 dollars par an (le dollar étant compté à vingt-cinq francs), soit 500.000 francs de notre monnaie. Mais ce n’est là à notre sens qu’une façon de s’exprimer, car le jour où il en serait ainsi il ne serait plus question de monnaie.

Devant cette profusion des produits qui comblent tous les besoins et tous les désirs humains, il ne s’agit plus ni d’acheter ni de vendre, mais de prendre. Comment parler encore d’échange là où pratiquement tout se trouve à la disposition de tous? L’échange ne se conçoit qu’entre gens dont l’un désire ce qu’il n’a pas et qu’un autre possède, celui-ci désirant, directement ou indirectement, ce que le premier détient et que lui-même n’a pas. C’est dire que tout échange et donc toute tractation en argent suppose un manque, une privation, en un mot une pauvreté. Là où il existe un trop-plein, il n’y a plus à qu’à distribuer.

Et à distribuer gratuitement. Voilà le grand mot lâché. De prime abord, il surprend et même il indigne. Comment? Vous allez me délivrer pour rien ce que je désire? Mais parfaitement, du moins dans la mesure où la chose est possible. Vous le recevrez pour rien dès l’instant qu’il y aura de quoi satisfaire également pour rien à des désirs analogues exprimés pour tous les autres. La limitation et le rationnement ne subsisteront que dans les domaines de la production où il ne sera pas encore possible d’avoir autant qu’il faut et plus qu’il ne faut pour tous.

Il importe de nous familiariser au plus vite avec ces idées neuves qui bouleversent de fond en comble nos anciennes manières de voir. Le passage du rare à l’abondant entraîne logiquement celui du payant au gratuit. Une politique de la hausse des prix, telle que la préconise et la pratique Roosevelt, est proprement insensée et contraire à ce qu’il y a par ailleurs de neuf et de hardi dans ses conceptions. Le vrai, c’est qu’on doit finalement aboutir à la suppression des prix.

samedi 9 avril 2011

Un autrement au sein de l'économie ?

Les « alternatifs » proposent une économie alternative basée sur des cooperatives. Ils aimeraient croire que la concurrence, qui pousse à la production, n'existe pas pour eux, que la croissance économique ne les concerne pas. Et pourtant si « l'economie alternative » veut être encore présente dans quelques années, elle doit être concurrentielle.

Les coops c'est pas nouveau. Elles ont fonctionné en grand nombre et longtemps. Cela n'a pas empêche le système capitaliste d'imposer sa façon de produire, de consommer, de travailler, de nous modeler.

Les coops traditionnelles ont abandonné bien vite leur projet de changer le système économique et petit à petit, elles ont même abandonné le fait que la coopération pourrait être un moyen de changement social. Talonnées par la concurrence, les vieilles coops ont abandonné leurs idées du début... Hors du système pas de salut disent-elles aujourd'hui.

Les coops ont été les enfants de la misère. Aujourd'hui, elles sont prospères ou elles ont disparu. La vieille coop avait pour objectif de combattre les conditions de vie misérables des ouvriers. Aujourd'hui, elle offre des services et agit comme d'autres boîtes purement capitalistes. Elle se défend en disant que son credo n'est pas le profit mais bien le service et les avantages aux coopérateurs.

La rentabilité grignote/bouffe les rêves, les beaux espoirs. Même pour les alternatifs, c'est profit ou faillite.

« L'économie alternative » va jusqu'à créer des banques à but non lucratif. Cette économie dite marginale est fidèle au système, elle s'harmonise avec la « nouvelle » croissance industrielle née de la crise.

Nous sommes d'accord avec les alternatifs qui souhaitent une société non marchande, une société vraiment démocratique où le pouvoir sera aux populations, où les moyens de production, de distribution, de service seront propriété de tous et non aux mains d'une poigne de privilégiés. Une société sans argent, sans salariat.

Mais que ces alternatifs ne s'imaginent pas qu'ils sont en train du haut de leurs nouvelles coops de vivre cette nouvelle société.

Toutes les réalités sociales sont dépendantes de l'économie capitaliste. Le politique, le juridique, le militaire, le religieux, le syndical sont dépendants de l'économie. Notre travail - ou notre non travail si nous sommes sans emploi - dépend bien sur de l'économie.

Le capitalisme est international, il est partout. Il n'existe pas d'économie non marchande. Il n'y a partout qu'une économie. Les alternatifs et « leur économie » ne commandent rien, n'actionnent pas les leviers du pouvoir, ne sont pas maîtres du grand capital.

L'économie ne se laissera jamais envahir par la coopération. Ni par la coop de distribution - que faire face à un monstre tel que Carrefour, Leclerc, Auchan ? - Ni par la coop des services. Ni surtout par la coop de production. Le fait que les coopérateurs possèdent leur entreprise n'y change pas grand-chose. Ce ne sont pas des buts comme la défense de l'emploi, le désir de changement social, l'organisation différente du travail qui vont effaroucher le capital... qui sait être souple tout en restant dur dur.

Sont-ils à côté du capitalisme ou en son sein ? Ou les deux à la fois ? Y a-t-il deux ordres économiques ? Un bon (sic) dans lequel la personne aurait la place centrale ? Et un mauvais dans lequel le capital aux dents longues a la place centrale ! Allons, allons un ordre coopératif moralisateur au sein du système n'existera jamais. Un peu de sérieux. Mister cash ricane deja.

Une autre économie ? Une économie souterraine ? Une économie à deux vitesses ? Non. Il ne peut y avoir d'économie alternative dans ou à côté de la belle grande économie capitaliste. Les « indépendants collectifs » (c'est de ça qu'il s'agit) sont dans le marché de la concurrence - nombre d'entre eux font du travail productif - ils sont dans les chiffres d'affaires, dans les campagnes publicitaires, les études de marché, les garanties bancaires, les coûts de revient, la politique a suivre, la marge commerciale, les bénéfices, les statistiques de vente, la zone rentable, le canal de distribution, le capital... même que le capital coopératif n'est pas considéré comme un placement spéculatif. Un autrement au sein de l'économie ? Allons, allons.

vendredi 1 avril 2011

L'obsolescence programmée

En septembre Les Amis de la Terre France et le Centre national d’information indépendante sur les déchets (Cniid) ont publié une étude sur L’obsolescence programmée dans le domaine des produits électriques et électroniques. Dans son livre sur le même sujet, L’Art du gaspillage, paru en 1960, Vance Packard a cité une déclaration de Brooks Stevens, un célèbre esthéticien industriel de l’époque :
Tout le monde sait bien que nous écourtons volontairement la durée de ce qui sort des usines, et que cette politique est la base même de notre économie. Nous fabriquons d’excellents produits, nous incitons les clients à les acheter … et l’année suivante nous y introduisons délibérément un élément nouveau qui fera paraître ces articles vieillots, démodés et désuets. … Ce n’est pas du gaspillage organisé. C’est une saine contribution à l’économie du pays.
Une contribution peut-être à une économie où on produit pour vendre en vue de profit financier, mais une folie dans un système où on produit pour la satisfaction directe des besoins sans vente et donc sans argent.

Toutefois Stevens exagérait en suggérant que le "planned obsolescence" soit "la base même de notre économie", même si le gaspillage organisé qu’elle représente est bien un produit du système capitaliste.

Les choses n’ont pas changé beaucoup 50 ans plus tard, comme les extraits du rapport des Amis de la Terre et du Cniid montrent:
Les différentes formes d'obsolescence programmée

II existe une multitude de techniques pour raccourcir la durée de vie des produits. Elles peuvent être d'ordre technique ou technologique, ou d'ordre psychologique (l'obsolescence esthétique ou psychologique).

L'obsolescence technologique ou technique
L'obsolescence technologique (ou technique) est l'ensemble des méthodes techniques pour avancer la fin de vie d'un appareil. Moins de la moitié des appareils qui tombent en panne sont réparés : 44 % selon une étude de l'ADEME. Dans la plupart des cas, les appareils sont jugés obsolètes avant même d'être emmenés chez le réparateur et mis au rebut. Selon la dernière enquête de fiabilité d'UFC Que Choisir, depuis 2005, les constructeurs d'électroménager ne se sont pas améliorés sur les taux de pannes. Selon nous, ces mauvais « scores » s'expliquent en partie par les différentes techniques pour rendre « irréparables » les produits.

Des pièces détachées de moins en moins disponibles
Les pièces de rechange sont difficiles à se procurer et sont coûteuses (notamment du fait des coûts de stockage et de gestion). La spécification des pièces explique en grande partie ce phénomène de raréfaction. Il a été constaté dans une étude conduite pour l'ADEME que la disponibilité des pièces de rechange est aujourd'hui problématique, elle se serait dégradée depuis dix ans. (…)

Des produits indémontables

Bon nombre de produits de haute technologie sont quasi indémontables voire pas du tout (…)

Il a été constaté que même certaines pièces des appareils électroménagers (ou produits blancs) mis sur le marché, notamment des chauffe-eau, sont aujourd'hui directement moulées dans du plastique et ne sont ni démontables ni réparables.

Des réparateurs d'Emmaùs nous ont signalé l'apparition, ces dernières années, d'appareils dont les parties externes sont moulées et qui donc, une fois cassées, ne sont ni démontables ni réparables. Ainsi, nous avons pu observer des réfrigérateurs avec le joint directement serti dans la porte ce qui le rendait plus difficilement démontable que s'il était doté de simples vis.

(…)

Des appareils moins robustes

La recherche du bas prix se fait au détriment de la solidité et de la qualité des appareils. Flagrante pour d'autres biens de consommation courante comme le textile, elle touche également les biens électroménagers : certains tambours de lave-linge ne sont plus fabriqués en métal aujourd'hui mais en plastique, ce qui augmente leur fragilité. L'accès de tous aux équipements électriques et électroniques occasionne ainsi une baisse de qualité et une durée de vie plus restreinte des appareils. Cela se solde une importante production de déchets.”

L’étude appelle
à concevoir des produits combinant notamment les critères suivants :
durables et fiables ;
réparables (accès facile et disponibilité rapide des pièces détachées) ;
capables d'intégrer des innovations ;
compatibles pour que les pièces soient facilement réutilisables.”
Il n’y a aucune raison technique qui empêche de produire de tels appareils électroménagers - sauf que, au sein du capitalisme, ce ne sont pas des produits simplement à utiliser qu’on produit, mais des marchandises à vendre sur un marché en vue des profits.

vendredi 25 mars 2011

Japon : la folie nucléaire

Le capitalisme repose sur le monopole et la gestion des moyens de production par une faible minorité sociale, étatique ou libérale. Il règne sur le monde entier. Sous le capitalisme, le but de la production est la réalisation de profits. Des États et des entreprises capitalistes rivalisent pour vendre leurs marchandises rentablement. Lorsqu'une entreprise peut vendre ses articles meilleur marché que ses concurrents elle peut réaliser des profits supplémentaires jusqu'à ce qu'à leur tour ces derniers adoptent la technique de production meilleur marché. Il y a donc sous le capitalisme une tendance, appliquée par la concurrence sur le marché mondial, à adopter sans cesse des modes de production meilleur marché.

L'industrie actuelle est pour la plupart actionnée par la dynamique électrique si bien que l'une des composantes importantes du coût des marchandises est l'électricité consommée dans le processus de leur fabrication. Étant donné les énormes investissements nécessités par la construction d'un réseau de centrales électriques, la tâche de la réaliser a échu dans la plupart des cas aux mains de l'État, agissant pour le compte de toutes les entreprises capitalistes du pays. Les centrales électriques sont alors régies comme des entreprises capitalistes d'État ayant pour objet la fabrication d'électricité aussi bon marché que possible, en vue de mettre les sociétés du secteur privé et du secteur nationalisé, qui la consomment, en mesure de soutenir rentablement la concurrence sur les marchés mondiaux. Le choix des techniques à mettre en œuvre pour créer de l'énergie électrique est dicté par ce contexte capitaliste. Les centrales énergétiques en régies nationales sont, tout autant que les sociétés capitalistes privées, sujettes à la loi du profit.

A part l'énergie hydraulique il existe actuellement deux méthodes importantes de production électrique, toutes deux reposant sur la rotation de turbines géantes actionnées par la force de la vapeur : faire brûler des énergies fossiles (gaz, pétrole, charbon) et faire fractionner des atomes d'uranium. Du point de vue écologique, toutes deux sont sujettes à critique. Au lieu d'être littéralement brûlées en gaz inutilisables (ce qui, en plus, contribue à l’échauffement global), les ressources de charbon et de pétrole de la planète seraient plus rationnellement utilisées comme matières premières en industrie synthé tique. Quant au nucléaire, on n’a pas encore trouvé une solution au problème de la destination finale des déchets radioactifs.

Mais dans la société actuelle les considérations d'ordre écologique ne sont prises en compte que subsidiairement (dans la mesure où la pollution pourrait affecter d'autres intérêts capitalistes) quant au choix des méthodes à mettre en œuvre. La considération primordiale est le bon marché -- c'est-à-dire la compétitivité et les profits des entreprises qui consomment l'électricité. Le mode de création d'électricité actuellement meilleur marché est de brûler de l'énergie fossile mais, le monde étant divisé en États concurrentiels, des préoccupations d'ordre stratégique (sécurité d'approvisionnement) entrent en compte également.

Des pays pauvres en énergies fossiles tels que la France et le Japon ont décidé de miser sur le nucléaire. Si l'échauffement global s’avérerait grave le recours au nucléaire même dans un monde socialiste aurait une certaine logique, mais pas dans une partie du monde sujette aux tremblements de terre. Au Japon le tremblement de terre et le tsunami étaient des désastres naturels mais la crise à la centrale nucléaire de Fukushima est attribuable au fait que nous vivons dans un monde capitaliste divisé en États rivaux où chaque État doit s‘assurer des sources d‘énergie sécures, ainsi empêchant une approche globale rationnelle à la question d'approvisionnement énergétique.

Dans un monde socialiste on trouvera un autre moyen d’approvisionner en électricité la population de l'archipel japonais et celle d’autres lieux sujets aux tremblements de terre.


lundi 14 mars 2011

Quelque chose ne va pas dans le monde

La capacité de l'homme à satisfaire ses besoins matériels n'a jamais été aussi grande. Il existe aujourd'hui une technologie suffisante pour qu‘aucun homme, aucune femme, aucun enfant où que ce soit dans le monde n'ait faim. Un réseau immense d'unités de production capable de produire abondamment couvre le monde. Le travail de production de la richesse du monde est déjà l'effort coopératif de gens partout ; en ceci il existe déjà un seul monde.

Cependant, des grèves, des manifestations et, par endroits, des conflits armés sont la preuve d'un malaise social. Des millions de gens sont affamés alors que certains gouvernements paient des agriculteurs pour qu'ils limitent leur production de nourriture et tous les gouvernements entretiennent en pure perte des forces armées. Ce sont leurs rivalités économiques et stratégiques qui entraînent la guerre et les préparations de guerre. C'est leur propagande qui divise les habitants du monde en nations hostiles.

De toute évidence, l'organisation sociale de l'homme est en retard sur ses processus techniques. La nature compétitive et de classe de la société actuelle date de l'âge révolu de la rareté et de la production à petite échelle ; elle ne correspond plus à la coopération et à la planification que demande l'industrie moderne à grande échelle. Ce conflit entre une technologie moderne et une société de classe dépassée est la cause du malaise social d'aujourd'hui. Seule la reconstruction radicale de la société sur la base de la possession des ressources mondiales par l’humanité donnera le cadre nécessaire à une solution permanente aux problèmes mondiaux actuels.

Sur la base de la possession commune des ressources du monde, l'humanité peut tirer profit du potentiel offert par la technologie moderne en orientant démocratiquement la production vers l'abondante satisfaction des besoins humains et ainsi parvenir à un monde de paix et d'abondance.

lundi 7 mars 2011

La question « d'un monde sans argent »

Aujourd'hui, les moyens de production et de distribution des richesses de la société sont la propriété privée d'une minorité privilégiée de la population. Cette appropriation exclut obligatoirement l'immense majorité du libre accès aux biens et aux services produits, nécessaires à leur vie quotidienne et à la satisfaction de leurs besoins. En effet, pour se procurer les biens et les services dont ils ont besoin, y compris les plus élémentaires (nourriture, habillement, logement, transports, etc.), les travailleurs doivent les acheter à leurs propriétaires. En d'autres termes, ils doivent échanger de l'argent contre le bien ou le service qu'ils souhaitent acquérir ou utiliser : ceux qui produisent les richesses de la société (les salariés) doivent donc dépenser l'argent qu'ils ont obtenu en échange de leur travail (leurs salaires) pour acheter les richesses qu'ils ont eux-mêmes produites (les nécessités de l'existence) à ceux qui les possèdent mais ne les produisent pas.

L'existence de la propriété privée entraîne donc celle de l'échange et, par voie de conséquence celle de l'argent, ou, plus exactement, celle des moyens de paiement. Autrement dit, l'argent existe parce que la propriété privée existe. Il est nécessaire uniquement parce que les biens et les services produits sont appropriés par quelques-uns. Pour cette raison, il est un équivalent universel : d'une part, unité de mesure qui permet de calculer les prix (coûts de revient, bénéfices, etc.) afin d'établir une comparaison entre les marchandises sur le marché, d'autre part, moyen d'échange, c'est-à-dire intermédiare entre le vendeur et l'acheteur.

D'après les économistes officiels (ceux qui ne remettent pas en cause l'existence de l'argent), celui-ci est un instrument simple et utile qui facilite de la façon la plus efficace possible la production et l’échange des biens et des services, et laisse aux gens le choix de leur consommation. Il y a un élément de vérité dans cette affirmation. En effet, l'argent est certainement supérieur au troc. Sans comptes bancaires, chèques ou cartes de crédit, les échange, à leurs niveaux actuels, seraient tout simplement impossibles. D'un autre côté, pour les salariés, ce système est préférable au paiement en nature puisque, ainsi, ce sont eux, et non leurs employeurs, qui décident de ce qu'ils veulent consommer ou pas.

Cependant, l'existence de l'argent crée une pénurie artificielle car le montant de nos achats est limité par la quantité d'argent que nous possédons. En tant que consommateurs, nous n'achetons pas en fonction de nos besoins, mais en fonction de nos revenus. Pour les plus démunis, le manque d'argent apparaît ainsi comme un obstacle à l'acquisition des biens même les plus indispensables et, donc, à la satisfaction de leurs nécessités.

Un autre aspect à prendre en considération est que le système monétaire est un système gaspilleur en ressources et en force de travail. II requiert une main d’oeuvre importante et coûteuse pour assurer son fonctionnement : depuis les salariés impliqués dans la fabrication et la maintenance des machines nécessaires a l'impression des moyens de paiement (pièces de monnaie, billets de banque, chèques bancaires, cartes de crédit, factures, tickets de transport, tickets d'entrée au cinéma ou au théâtre, etc.), au transport de ces moyens (camions blindés, sacs, armes), à leur dépôt (innombrables agences bancaires) et à leur protection (systèmes de sécurité, gardes, etc.), jusqu'à ceux engagés dans la production et le contrôle des moyens de paiement eux-mêmes, mais aussi du papier et des autres matières nécessaires à la fabrication de ces cartes, factures, billets, tickets, etc., en passant par ceux qui sont charges du dépistage et de la répression des vols et de la fraude financière et fiscale (l'immense majorité des actes délictuels), sans oublier ceux dont le travail consiste à encaisser, payer, compter, surveiller, transporter, etc. Tout ceci dévie et gaspille des ressources matérielles et humaines considérables... qui seront économisées dans le socialisme où les moyens de paiement n'existeront plus et qui permettront de réduire le temps de travail de façon considérable.

Mais le trait le plus négatif de l'argent est sans doute celui d'être un système socialement destructeur puisqu'il a des effets négatifs tant sur le comportement de chaque personne que sur les relations entre les individus. L'argent sape les relations sociales. II tend à atomiser les êtres humains. En effet, il pousse à l’accumulation et à la délinquance ; il introduit la méfiance entre les individus et empoisonne les relations humaines. Dans le socialisme, l'argent aura disparu. Les membres de la société n'auront plus de raison de se méfier les uns des autres, il ne poussera pas ceux qui en sont démunis à voler et ceux qui en ont beaucoup à en vouloir toujours plus. II va sans dire que sa disparition aura un effet bénéfique sur le comportement humain.

Si, dans le capitalisme, les biens et les services, nécessaires à la vie des membres de la société et au fonctionnement de cette dernière, sont produits dans le seul but de générer un profit pour la minorité possédante, dans le socialisme, ils seront produits en réponse aux besoins exprimes par la population.

Dans la société future, la production et la distribution seront donc organisées selon le principe socialiste : « De chacun selon ses capacités a chacun selon ses besoins ». De cette manière, tous auront libre accès aux produits de la société. En effet, à partir du moment où tous les membres de la société possèdent collectivement et contrôlent la production et la distribution des biens et des services qu'ils souhaitent, il n'y a plus de raison de leur faire payer de l'argent pour prendre ou utiliser ce qui leur appartient déjà.

Dans le socialisme, l'accès aux richesses produites sera donc libre et gratuit puisque la suppression de la propriété privée entraînera l'élimination des opérations d'achat-vente, du système des prix, de la rente foncière, de l'intérêt financier et du profit économique, ainsi que du système du salariat. Elle rendra ainsi l'argent inutile. Les richesses produites étant devenues la propriété commune de l'humanité et l'argent ayant disparu, comment et à qui allons-nous acheter des biens ou des services qui nous appartiennent déjà ?

Quant à la crainte que certains en profitent pour prendre plus que de besoin, au détriment de l'intérêt général, là encore, on attribue aux membres de la société socialiste un comportement typique de la société capitaliste, dans laquelle tout est rationné par la quantité d'argent que chacun possède et ou, effectivement, si l’occasion se présente, on aura tendance à prendre plus que nécessaire de crainte que l'occasion ne se pressente plus. Ce comportement, cependant, est peu probable dans le socialisme pour la simple raison que tous les biens et les services seront produits en abondance et mis à la libre disposition de tous. De cette façon, personne n'aura à craindre de manquer d'un bien ou d'un service spécifique puisque ce même bien ou service sera en libre accès, non seulement le jour même, mais le lendemain, le surlendemain, la semaine, le mois ou l'année suivants.

On peut d'ailleurs, dans le capitalisme, se faire une idée de la situation puisque certains biens ou services sont à la libre disposition de la population qui n'en fait pas pour autant une consommation excessive. En effet, déjà aujourd'hui, l'eau de nombreuses fontaines publiques est gratuite sans que les gens n'en boivent jusqu'à ce qu'elle leur sorte par les yeux ou qu'ils ne fassent la queue en permanence pour remplir leurs gourdes ou leurs bidons. Dans certaines villes des États-Unis et du Canada, les appels téléphoniques locaux sont gratuits sans que pour autant les gens ne passent leur temps dans les cabines téléphoniques. Dans la ville de Hasselt en Belgique, les transports urbains sont gratuits. Est-ce que les habitants de cette ville passent leur vie dans le bus sous prétexte qu'ils ne payent rien ? Bien sûr que non. Lorsqu'un bien ou un service est gratuit, les gens s'y habituent, sachant qu'il est là, à leur disposition, et ne prennent que ce dont ils ont besoin. Ce sera la même chose dans la société sans argent (ou, plus exactement, sans moyen d'échange payant comme l'argent).