vendredi 30 janvier 2009

Protester c'est bien mais pas assez

Plus de deux millions dans la rue pour protester contre la crise et demander que le gouvernement fasse quelque chose, ou plutôt qu’il fasse autre chose. C’est bien que les travailleurs n’acceptent pas tout ce que le capitalisme leur impose mais, à vrai dire, il n’y a rien que le gouvernent - n’importe quel gouvernement - puisse faire pour empêcher la crise de se développer.

En fait, il s’agit du fonctionnement normal du système économique capitaliste. Comme Marx l’a expliqué il y a longtemps:

« La vie de l'industrie se transforme ainsi en série de périodes d'activité moyenne, de prospérité, de surproduction, de crise et de stagnation. L'incertitude et l'instabilité auxquelles l'exploitation mécanique soumet le travail finissent par se consolider et par devenir l'état normal de l'ouvrier, grâce à ces variations périodiques du cycle industriel. » (Le Capital, Livre 1, ch. 15, section 7).
Le capitalisme ne peut être contrôlé par une action gouvernementale, quelle que soit sa dureté ou sa résolution. Le capitalisme est un système qui fonctionne selon ses propres lois économiques, lois qu’aucun gouvernement ne peut changer ; c’est un système de profit qui engendre tout normalement des cycles boom-crise, boom-crise selon que le taux de profit monte ou tombe. Des crises économiques sont donc inévitables de temps en temps et les gouvernements ne peuvent rien pour les éviter.

Aujourd'hui, après la crise financière on entre dans la phase de stagnation du cycle et ni l’austérité ni la relance par l’augmentation du déficit public ou de la consommation populaire ne peuvent arrêter que les licenciements et le chômage se répandent. La période de stagnation ne prendra fin avant que les stocks de marchandises qui se sont accumulés soient vendus, que les entreprises peu performantes soient éliminées, que la valeur du capital investi soit dépréciée, et que les salaires réels soient diminues - en bref, avant que le taux de profit ne remonte. En l’attendant le gouvernement ne peut rien faire sauf attendre. Bien entendu, il peut essayer de faire quelque chose mais si cela va à l’encontre du fonctionnement normal du capitalisme il risque de prolonger la stagnation.

Les syndicats et la gauche « antilibérale » critiquent ce système mais ne proposent que des réformes qui, intentionnellement ou non, le perpétuent. Tenter d’aménager ce système en faveur des salariés, d’en adoucir les effets, en un mot, de l’« humaniser », c’est demander à un tigre de brouter du gazon.

Par sa nature même, le capitalisme ne peut fonctionner que comme système de profit dans l’intérêt de la minorité capitaliste qui possède et contrôle les moyens de produire la richesse sociale. Une constatation s’impose donc : aucun aménagement, aucune mesure, aucune réforme, n’ont pu (et ne le pourront d’ailleurs jamais) subordonner l’économie capitaliste à l’intérêt général et, donc, changer quoi que ce soit à la position de victimes du capitalisme de la majorité salariée.

Pour en finir avec les problèmes qui nous accablent, il faut revendiquer comme seule solution réaliste et immédiate, l’instauration d’un système de société où la communauté tout entière possédera et administrera démocratiquement, dans son propre intérêt, les moyens de production. Sur cette base on pourrait produire directement pour satisfaire les besoins et non plus en vue d'un profit monétaire. Dans un tel système on n’aura plus besoin ni de banques ni de l’argent pour faire démarrer la production - et les crises cycliques sera impossible.

jeudi 29 janvier 2009

Logique?

Je me demande si d'autres travailleurs qui ont déjà vendu leur force de travail en étant caissières, se sont jamais posé les deux questions suivantes :

1. Quelle chose utile est-ce que je fais en rendant la monnaie à tous ces autres travailleurs qui ont directement ou indirectement créé ces biens qui ne leur appartenaient pas ?

2. Est-ce logique donc pour ces gens d'avoir à échanger de l’argent pour de la nourriture ou des vêtements, dont ils sont les producteurs ?

Ce n'est pas logique du tout. Où va cet argent? II va au propriétaire qui lui bien sur ne produit rien.

Nous travailleurs, nous amenons aux propriétaires des moyens de production des profits en leur cédant notre force de travail contre une somme d'argent qui leur permettra de nous maintenir producteurs et eux propriétaires.

Dans une société socialiste il n'y aura de place ni pour les caissières, ni pour les banquiers, assureurs, etc.,... dont le rôle est typique dans ce système de profit actuel. Les gens se serviront des produits dont ils ont besoin et qu’ils auront créés en abondance en coopérant les uns avec les autres. C'est l'unique intérêt de notre espèce.
C.B.

dimanche 18 janvier 2009

Socialisme mondial N° 25 et 26

Les deux numéros de 1984 de Socialisme mondial ont été numérisés au format pdf:

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pdf

sommaire du N° 25:

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pdf

sommaire du N° 26:

  • Gouvernement français: les “communistes” s’en vont
  • A vous la parole
  • Réflexions
  • La classe dirigeante russe
  • L’accès libre
  • Livres
  • Les principes du socialisme
  • Notes politiques

Voir aussi nos autres numéros complets: N°10 (1978): Comment le capitalisme d’État est arrivé en Russie - N°22 (1983) - N°23 (1983) - N°24 (1983) - N°28 (1985): Une société sans argent - N°30 (1987). (Programme de numérisation en partenariat avec le site La Bataille socialiste)

mercredi 14 janvier 2009

dimanche 11 janvier 2009

Il y a 25 ans (5) : Famine au Brésil

Libération (11 octobre 1983) a fait un reportage sur la famine au Brésil. On peut y lire: « La sécheresse dans les états du Nordeste brésilien dure depuis cinq ans » et « à quelques centaines du Nordeste vit le Brésil (...) qui ne peut mais et ne fait rien pour aider ses enfants du nord ». Enfants rendus fous par la faim, génération de nains et de psychotiques à venir.
« Les premiers à mourir furent les animaux domestiques, puis les nouveaux-nés. Aujourd'hui, les survivants attendant leur tour. Survivre, une journée encore, est la seule activité hallucinée des habitants des zones sinistrées. »
Brésil, huitième puissance industrielle de l'Occident, « miracle économique ». Un taux de mortalité infantile de 25 % dans certaines villes. Pourtant: « Les fonds promis par le gouvernement fédéral pour le percement de puits profonds n'ont pas encore été débloqués ». Mais aussi :
« Le premier satellite brésilien est pour bientôt. On se bouscule au portillon - mais poliment - pour devenir président de la république. Le Fonds Monétaire International, les grandes banques commerciales et les éditorialistes des journaux financiers d'Europe et des Etats Unis conseillent fermement aux Brésiliens de se serrer la ceinture. Pour leur bien ».
L'éditorial conclut ainsi:
« En Europe ou aux Etats-Unis, des montagnes de beurre, de fromage ou de lait dorment sous les glacières, faute de débouchés. Si l'on n'a pas confiance, en Europe, dans les autorités des pays du tiers monde, pourquoi pas une aide directe, d'homme à homme ? Des milliers de bateaux pour le Brésil. »
Pourtant, est-ce vraiment un problème d'« hommes », de « confiance » ? Qui décide ? Et cette solution de court terme, dans l'éventualité où on la laissait se réaliser, que changera-t-elle ?

Ou plutôt, ne faut-il pas poser la question à l'envers: « Comment en arrive-t-on à de telles situations ? ». Qu'est-ce qui empêche la libre circulation et distribution des produits en surplus ici ?

De belles photos dans le numéro d'août 1983 de Geo. Oui, très colorées. Il s'agit de montagnes de pommes. Rouges, vertes, jaunes, cramoisies, moisissantes. Un bulldozer et une montagne de choux-fleurs. Une benne déversant des tonnes de tomates. Très photogénique, cette nappe rouge, dans les bruns, ce sont des pommes de terre. Ailleurs, des pêches, étendues sur des kilomètres de champs, qui seront enfouies sous terre pendant le labourage. Excellent engrais! La, une dune de poires de la meilleure qualité.

Voilà le paysage français. La raison de ce gaspillage (alors que des gens crèvent de faim au Brésil, ou que, en France même, « 70 % des Français consommeraient plus de légumes et de fruits frais si les prix étaient moins élevés ») ? Eviter (à ce prix-là) la chute des prix. L'industrie agricole n'est pas prête de produire sans profit ou à perte.

Quelques autres chiffres: malgré tous les efforts faits pour écouler cette surproduction via les organisations de bienfaisance, les écoles, les prisons, les colonies de vacances, les hôpitaux, les maisons de retraite, les jardins d'enfants, etc., « pour l'été 1982, ceci ne représentait que 1,5 % seulement des choux-fleurs excédentaires, 0,4 % des tomates, 3,5 % des pêches, 3 % des poires et 1 % des pommes retirées du marché. »
« Toutes productions confondues (denrées végétales ou animales), les excédents européens ont coûte en 1982 plus de 200 milliards répartis en opérations de stockage, de destruction ou d'écoulement à des prix réduits sur les marchés mondiaux (vente à I'URSS) ou nationaux (« beurre de Noël »). »
Comme le remarque Geo, « donner ces excédents aux peuples qui meurent de faim est impraticable » (impraticable dans notre système):
« les coûts d'acheminement sont extrêmement élevés vers ces pays, qui ne disposent ni d'un réseau routier, ni de capacités de stockage, ni de véhicules utilitaires (...). La note de frais serait assez salée (...).
La distribution gratuite de produits alimentaires provoque dans les pays bénéficiaires un effondrement des cours des produits agricoles. Dans ce cas, ce sont les petits paysans locaux qui sont minés. »
On trouve donc un constat et des faits intéressants dans ce numéro de Geo, mais, une fois de plus, la véritable barrière à la distribution des biens et, plus en amont, de l'existence d'un tiers monde n'est pas élucidée. Et pourtant, la clé qui cadenasse ce système saute aux yeux : le fric.

(Socialisme Mondial 25, No 1, 1984)

dimanche 4 janvier 2009

Rebelote

Pour essayer de sortir de la crise les gouvernements partout dans le monde reviennent à la politique de l’économiste anglais JM Keynes — donner aux gens plus à dépenser et dépenser plus eux-mêmes. Il est donc pertinent de rappeler qu’on l’a essayé en France au début des années 80 suite à l’élection du François Mitterrand à la présidence en mai 1981 en pleine crise économique et à la victoire de son parti aux élections législatives en juin.

Une des promesses du PS était d’abandonner la politique d’austérité poursuivie par le gouvernement sortant en appliquant :

« une relance du pouvoir d’achat des plus défavorisés et donc par la relance des biens de consommation » (Le Chardon, mars 1982)

Jacques Delors, le ministre de l’Economie et de la Finance, a justifié cette politique en déclarant :

« Nous souhaitons anticiper, mais de façon raisonnable, sur la reprise de l’économie à l’échelle mondiale » (Le Nouvel Observateur, 1/6/81).

La réponse de l’économie mondiale était d’imposer une dévaluation du franc dès le quatrième mois. À partir de ce moment, c’était la dégringolade.

En juin 1982 le gouvernement a dû dévaluer le franc une deuxième fois. Le premier ministre, Pierre Mauroy, s’est lamenté :

« la reprise internationale n’est pas au rendez-vous »

En octobre le ministre du Plan, Michel Rocard, a conseillé :

« Il ne faut pas rêver, la crise mondiale que nous traversons va s’aggraver » (Le Républicain Lorrain, 18/10/82)

Pierre Mauroy continuait à attendre désespérément la reprise :

« un jour viendra où la reprise annoncée sera là » (Europe N° 1, 6/9/82)

En décembre Jacques Delors a reconnu :

« Ce n’est pas nous qui sommes les maîtres du monde. Ce monde il va comme il est, il est en proie à des forces que personne ne maîtrise » (Le Monde, 21/12/82)

Puis, après une troisième dévaluation en mars 1983 il a déclaré :

« Nous tablions sur une croissance économique de 3 %, mais la reprise n'est pas venue » (L'Express, 3/4/83).

En octobre 1984 le nombre de chômeurs a dépassé le chiffre de 3 millions (quand Mitterrand est devenu président il n’était que de 1.7 million).

Cet échec à faire diminuer et raccourcir une crise en augmentant la consommation populaire et gouvernementale était un des plus retentissants qu’on ait jamais vus.

Ce ne sera pas différent cette fois, comme on le verra. Le capitalisme ne sortira pas de la crise avant que les stocks de marchandises soient vendus, les entreprises peu performantes aient disparu et les salaires réels aient diminué — comme moyen de rétablir le taux de profit, moteur (et en même temps frein) de la production capitaliste.