lundi 26 septembre 2011

Forum canadien

Le Parti Socialiste du Canada dispose d'un Forum de discussions qui a une section francophone. Cf. ici.

Socialisme mondial N°29 (1986)

Avec la numérisation au format pdf de ce numéro, la collection est désormais complète sur la période 1983-1987 qui va du N°22 au N°30 de Socialisme mondial, « bulletin occasionnel pour un monde sans classes, sans argent et sans États » qui était publié par les camarades francophones du Mouvement socialiste mondial (Parti socialiste de Grande-Bretagne — SPGB — et Parti socialiste du Canada).

Au sommaire: Questions sur le socialisme – William Morris, artiste et socialiste – Pologne: le capitalisme d’État contre les travailleurs – Le socialisme – A propos des dénationalisations – A vous la parole – Livres.

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lundi 19 septembre 2011

A bas le parti d'avant-garde !

Lénine fut le premier à élaborer de façon cohérente un projet de parti d'avant-garde. Dans sa brochure Que Faire ? (1902), se basant, sur la présupposition que « livrée à ses seules forces, la classe ouvrière ne peut arriver qu'à la conscience trade-unioniste », il en tira la conclusion que la conscience socialiste devrait lui être apportée par des « intellectuels révolutionnaires socialistes ». Il préconisait une organisation composée « avant tout et principalement d'hommes dont la profession est l'action révolutionnaire », c'est-à-dire un parti d'avant-garde, une minorité consciente, qui dirigerait la majorité inconsciente dans une insurrection.

Cette théorie était le contraire de celle de Marx qui proclamait que "l'émancipation de la classe ouvrière doit être l'oeuvre des travailleurs eux-mêmes » (Statuts généraux de l'AIT, 1864) et qui déclarait qu'il ne pouvait collaborer avec « des gens qui expriment ouvertement que les ouvriers sont trop incultes pour s'émanciper eux-mêmes et qu'ils doivent donc être libérés d'abord d'en haut, par les grands et philanthropes petits-bourgeois » (Lettre circulaire, sept 1879).

Néanmoins la théorie de Lénine était attrayante pour les révolutionnaires anti-tsaristes en Russie puisqu'elle reflétait parfaitement leur aspiration à se substituer à la bourgeoisie privée, trop faible et trop liée au régime tsariste pour agir elle-même, dans la révolution anti-tsariste et bourgeoise qui se préparait — « bourgeoise » dans ce sens qu'elle allait écarter tous les obstacles féodaux au développement du capitalisme en Russie.

En 1917, suite à l'effondrement de l'Etat tsariste sous l'impact de la Première Guerre mondial, Lénine et les bolcheviques, organisés en parti d'avant-garde, s'emparèrent du pouvoir et liquidèrent le tsarisme et le féodalisme en Russie. A leur place ils développèrent l'industrie sous la forme d'un capitalisme d'Etat. Plus tard, sous Staline, grâce à son mono pole du pouvoir, cette avant-garde (ou plutôt la partie qui en restait après les purges de Staline) s'est transformée en nouvelle classe dirigeante et privilégiée, la bourgeoisie d'Etat oui règne en Russie capitaliste d'Etat encore aujourd'hui.

Du point de vue historique donc, la théorie du parti d'avant-garde était l'idéologie d'une future bourgeoisie d'Etat qui voulait utiliser le mécontentement des travailleurs et des paysans pour écarter la vieille classe dirigeante et s'installer à sa place.

Quelle leçon en tirer ? Que le parti d'avant-garde est à rejeter en tant que forme d'organisation de la classe travailleuse. Pour s'émanciper en établissant une société sans classes et sans salariat dans laquelle la communauté tout entière possédera et administrera démocratiquement, dans son propre intérêt, les moyens et instruments de production et de distribution des richesses (« le vrai socialisme ») les travailleurs n'ont pas besoin de leaders, ni de chefs, ni de dirigeants, ni de meneurs — ni d'aucune avant-garde quelle qu'elle soit — mais seulement de leur propre auto-organisation démocratique et d'une volonté socialiste résolue.

En 1848 déjà Marx et Engels déclaraient que « tous les mouvements historiques ont été, jusqu'ici, accomplis par des minorités ou au profit des minorités. Le mouvement prolétarien est le mouvement autonome de l'immense majorité au profit de l'immense majorité » (Le Manifeste communiste). Presque cinquante ans plus tard Engels précisait :

« Le temps des coups de main, des révolutions exécutées par de pet ites minorités conscientes à la tête des masses inconscientes, est passé. Là où il s'agit d'une transformation complète de l'organisation de la société, il faut que les masses elles-mêmes y coopèrent, qu'elles aient déjà compris elles-mêmes de quoi il s'agit, pour quoi ils interviennent, corps et âme » (Introduction, 1895 à Les luttes des classes en France de Marx).

Une révolution dirigée par un parti d'avant-garde, étant une révolution minoritaire, ne conduirait inéluctablement qu'à un gouvernement par une minorité, comme l'histoire l'a démontré maintes fois. Seule une révolution majoritaire peut aboutir à une société sans classes.

dimanche 11 septembre 2011

La gratuité des transports

N’avez-vous jamais pensé combien il est absurde d'avoir à payer pour voyager dans le métro ? Ou au gaspillage que représente le coût de l'impression des billets, de la rémunération des agents qui les vendent et qui les contrôlent et, last but not least, de l'installation de tourniquets de plus en plus sophistiqués dans le seul but d'empêcher les gens de voyager gratuitement ?

Dans le socialisme l'accès aux transports collectifs sera gratuit car ce sera une société amonétaire où l'accès sera libre pour tous à tout ce dont ils ont besoin. Mais la gratuité d'accès aux transports publics peut exister également dans le cadre du capitalisme.

Isolée du contexte de la gratuité généralisée qui régnera dans la société socialiste, la gratuité des transports ne serait qu'une réforme du système capitaliste. Une argumentation philosophique ou morale n'influence en rien le capitalisme. Les gestionnaires de ce système n'acceptent que les réformes qui bénéficient à une quelconque section de la classe capitaliste. C'est-à-dire que si la gratuité des transports était adoptée, ce serait pour servir l'intérêt d'un groupe spécifique de capitalistes, par exemple les employeurs du centre de Paris qui pourraient verser des salaires plus bas n'ayant plus besoin d'y inclure un montant pour couvrir les frais du voyage aller-retour domicile-lieu de travail.

C'est pourquoi, tout en comprenant pourquoi certains voudraient la gratuité d'accès aux transports même dans le cadre du capitalisme, nous préférons concentrer nos efforts sur la propagation de l'idée d'une société où l'accès sera gratuit et libre pour tous à tous les produits et services, ce qui présuppose la possession commune et la gestion démocratique de tous les moyens de production et de distribution.


jeudi 1 septembre 2011

Les émeutes à Londres

Voici un commentaire assez intéressant sur les émeutes à Londres le mois passé qui vaut d'être diffusé plus largement:
Il y a de la folie dans l’air – tant de la part des émeutiers que des dirigeants, de manières très différentes, et que va-t-il surgir de là ? La majorité de la population regarde et a du mal à y croire. Mais, de l’activité de classe, il n’y en a pas.

L'ampleur des émeutes – dans beaucoup de grandes villes – suite à celles qui ont démarré à Londres, prouve que les conditions et les ressentiments sociaux sociaux sont disséminés dans tout le pays. De toute évidence, la marginalisation d’une grande partie de la jeunesse crée le terreau où germent la fureur et le nihilisme. Les conditions dans lesquelles ils vivent ne proviennent pas de la politique du gouvernement actuel (comme l’a déclaré le chef des Députés du parti travailliste, Harman) mais de décennies de gouvernements successifs restructurant l'activité économique et la dépouillant autant que possible de toute vie sociale, afin de réduire le salaire social. Comme partout ailleurs dans le monde, ce processus a éjecté des millions de personnes du processus de production au Royaume Uni. Donc beaucoup de nos jeunes ne voient aucun futur dans cette situation ; et ils ont raison. En même temps, ils voient les affichages les plus éhontés de la richesse, le culte de la cupidité par les banquiers, les escroqueries par des parlementaires siphonnant des dépenses indignes vers leurs propres poches, et, plus récemment le dévoilement de rapports hautement profitables entre les journalistes, la police, les avocats et les politiciens ; chacun savait qu'ils étaient tous corrompus, c’est juste qu’à présent l'évidence est indéniable. Ce n’est pas étonnant que les pillards aient parlé de « prendre » tout comme l’ont fait les riches.

Beaucoup, emportés par l'adrénaline sociale, ont été pris dans l'action. Participer à une émeute et à un pillage n’est pas la même chose. Les jeunes et les enfants impliqués. Batailles avec la police. Cibler les magasins les plus impersonnels ; également quelques marques emblématiques. Mais également une violence qui conduit au pillage de petits magasins locaux, mettant le feu aux maisons et causant des morts ; se retournant également contre leurs propres voisins. Ce n'était pas seulement la jeunesse et des enfants sans emploi simplement ; ceux qui se sont retrouvés pris incluaient des adultes ayant un emploi.

Ces pillage et incendies n'ont rien à voir avec la distribution sociale de biens de première nécessité ; c'était une remise en vigueur physique de ce que la bourgeoisie fait à la société. Jusqu’à présent, je n’y ai trouvé aucun contenu de classe. Concernant l'activité collective positive, on a pu voir des locaux se rassembler pour défendre leurs propriétés. En d’autres termes, ils défendaient leurs voisins, non contre la violence des casseurs d’un Etat du Maghreb, mais contre la folie de jeunes gens locaux. Cependant, il y avait un courant de compréhension sur lequel je reviendrai.

La folie de l'état et de la classe régnante est d'un genre différent – partant de leur côté des rues pour atteindre les marchés mondiaux – et se manifeste dans les questions tortueuses et les relations qui tissent la bourgeoisie. À Tottenham, les événements actuels se sont déclenchés suite à ce qui semble avoir été encore une autre exécution expéditive d'Etat dans une opération de police. La cruauté de la police vis-à-vis la famille de la victime était évidente – ce qui n’est pas rare – et a certainement excité les personnes locales. Dans la réaction de police à ce moment et pendant les jours qui suivent, les tensions déjà fortes entre eux et le gouvernement n’ont fait qu’augmenter. Aux plans pour opérer de larges coupes dans les budgets de la police et dans la police métropolitaine de Londres s’est ajoutée la démission d’un commissaire en chef et d’un commissaire en chef auxiliaire au cours des dernières semaines suite à leurs rôles dans les rackets de piratage téléphonique. Le manque de « réponse appropriée » aux émeutes, comme le disent les politiciens à présent, peut certainement être vu comme un avertissement vis-à-vis du gouvernement à propos des conséquences d’actes contre leurs intérêts. Et même à présent les porte-parole de la police et du gouvernement s’invectivent publiquement alors que les braises des feux urbains sont encore chaudes.

Ce n’est pas que la police soit la seule à faire pression sur le gouvernement. L’industrie - en particulier les PME (petites et moyennes entreprises) – se plaignent toujours avec véhémence à propos du comportement des banques vis-à-vis d’elles et de la difficulté de trouver le type de financement dont elles ont besoin pour s’élargir. Elles veulent que le gouvernement fasse davantage pour soutenir ce type d’industrie. Le militaire gronde à propos des engagements donnés alors que les budgets diminuent. Le service de santé est transformé en désastre. Ces coupes budgétaires amputent tous les aspects de l'Etat et dans la plupart des autres sections du capital ; le secteur favorisé demeure celui des services financiers. Le gouvernement se tient toujours sur sa politique de fortes coupes budgétaires à la consternation de plusieurs sections de la classe dominante. Il semblerait que son objectif soit toujours de regarder du côté de la finance comme moyen d’empêcher les effets de la crise mondiale. Cette semaine le chancelier de l'échequier, Osborne, insistait encore sur l'importance que le monde voie le R-U comme un asile, un refuge pour le capital mondial. Naturellement, la vision de Londres en proie aux flammes ne colle pas avec cette image d’un asile politiquement et socialement stable pour leur capital.

Les scandales récents et le courage récemment découvert des politiciens britanniques de critiquer l'empire de Murdoch ont fourni un écran de fumée qui a détourné l’attention publique au R-U de l'état de détérioration de l’économie mondiale et des turbulences dans la zone euro. Osborne et les autres ministres des finances européens savent tous que les perspectives économiques sont désespérées et ils ne savent juste pas quoi faire. Ils peuvent voir qu'ils n'ont aucune solution – mais ils doivent faire quelque chose. Ils sont confrontés à un système qui est inondé d’argent, et il est néanmoins en faillite. Il n’est pas étonnant qu’ils exsudent un sens de folie. (Le comportement de la classe politique des USA à propos de la législation sur le plafond de dette prouve que la bourgeoisie britannique n'est pas la seule).

Ils peuvent n’avoir aucune solution à leurs problèmes mais la classe régnante du R-U – comme toutes les autres – devra suivre une certaine ligne de conduite, dont une partie sera d’affronter la désaffection sociale à travers le pays. Quand ils auront trié leurs conflits avec la police, quoi qu’il se passe, ils se tourneront vers les rues, et nous serons tous les cibles. Ce sera bientôt.

J'ai dit qu'il y a de l’évidence d'un courant de compréhension. Bien que les médias se soient concentrés sur le côté gratuit et criminel et continuent à faire des interviews pour dénoncer ou pour noyer la discussion dans un papotage moraliste, certaines personnes dans les rues ont eu des réflexions saines sur les événements. Il fut impressionnant d’entendre un grand nombre de personnes – dont certaines victimes des actions particulières – dire qu’elles étaient contre ces actions, mais qu’elles pouvaient voir d’où venaient ces jeunes gens et pourquoi les émeutes ont eu lieu. D’autres ont posé la question : "pourquoi étions-nous les magasins pillés ? – en Egypte les émeutes ont eu lieu contre le gouvernement ". Il y avait également des critiques sociales perspicaces accompagnées de l’idée que ce n’était pas une façon d’aller de l’avant. Pour moi, cela montre la nécessité absolue d’une expression de classe qui peut donner un contexte au développement de la conscience, et un focus pour l’action collective. En dehors de cela, les explosions de colère peuvent être dangereusement auto-défaite. Je ne sais pas ce qui doit survenir, et il était frustrant de ne pas voir d’expression politique plus explicite. Cela montre certainement que la misère n’engendre pas automatiquement la conscience. Nous verrons ce qui se développe dans le futur.

Marlowe, 12 août