Le 5 mars la Banque Centrale européenne a annoncé qu'elle examinait la possibilité de créer plus de monnaie pour essayer de relancer l'économie. Selon
La Libre Belgique, se référant à Jean-Claude Trichet, le président de la BCE :
« Et pour la première fois, il a annoncé que la BCE étudiait des mesures d'assouplissement quantitatif, qui visent à relancer l'économie via la création massive de monnaie et sont utilisées quand les baisses de taux directeurs ne suffisent plus.
La Réserve fédérale américaine et la Banque du Japon ont déjà expérimenté ce style de mesures. Et la Banque d'Angleterre, qui a aussi diminué jeudi son principal taux d'un demi-point à 0,50 %, a lancé parallèlement un vaste programme prévoyant le rachat pour 75 milliards de livres (84 milliards d'euros) d'actifs, principalement des emprunts d'État. »
Puisque la monnaie pour racheter ces actifs est créée de rien en ayant recours à la planche à billets (ou à son équivalent électronique) ce soi-disant « assouplissement quantitatif » n’est qu’un autre terme pour l’inflation de la monnaie, une pratique qui risque fortement d’entraîner une hausse générale des prix, comme Karl Marx (parmi d’autres) l'avait bien compris.
Dans sa préface à la première édition du Capital, parue en allemand en 1867, Marx a écrit que son but était « de dévoiler la loi économique du mouvement de la société moderne ». Il a su dévoiler entre autres la cause essentielle de la hausse des prix continuelle d'aujourd'hui : une émission excessive de papier-monnaie inconvertible en or (c'est-à-dire ayant « cours forcé »).
« Il ne s'agit ici que de papier-monnaie d'État avec cours forcé. . (...) L'État jette dans la circulation des billets de papier sur lesquels sont inscrits des dénominations de numéraire telles que une livre sterling, cinq livres sterling, etc. En tant que ces billets circulent réellement à la place du poids d'or de la même dénomination, leur mouvement ne fait que refléter les lois du cours de la monnaie réelle. Une loi spéciale de la circulation du papier ne peut résulter que de son rôle de représentant de l'or ou de l'argent, et cette loi est très simple ; elle consiste en ce que l’émission du papier-monnaie doit être proportionnée à la quantité d'or (ou d’argent) dont il est le symbole et qui devrait réellement circuler. (...) Abstraction faite d'un discrédit général, supposons que le papier-monnaie dépasse sa proportion légitime. Après comme avant, il ne représentera dans la circulation des marchandises que le quantum d'or qu'elle exige selon ses lois immanentes et qui, par conséquente, est seul représentable. Si, par exemple, la masse totale du papier est le double de ce qu'elle devrait être, un billet d'une livre sterling, qui représentait un quart d'once d'or, n'en représentera plus qu’un huitième. L'effet est la mémé que si l'or, dans sa fonction d'étalon de prix, avait alteré » (Le Capital, chapitre III (c)).
Cette analyse de Marx est d'autant plus remarquable que, à son époque, la monnaie n’était pas un tel papier-monnaie mais encore l'or lui-même avec un papier-monnaie convertible sur demande en un montant fixe d'or.
Il s'en suit de cette analyse que la hausse des prix n'est pas l’inflation, mais qu'elle en est la conséquence - l'inflation, c'est l'émission excessive de papier-monnaie, le recours trop libéral à la planche à billets. Les salariés n'y sont pour rien puisque c'est le gouvernement - et le gouvernement seul - qui est responsable de l’émission de la monnaie. C'est donc lui qui est responsable de l'inflation.
Pour les travailleurs la conséquence pratique de cette analyse, c'est que, si « l’assouplissement quantitatif » est adopté par la BCE et s’il mène à une hausse générale de prix, ils ne devraient pas se sentir coupables en revendiquant des augmentations de salaire, car ils sont les victimes, et non pas la cause, de l'inflation. Le prix de la marchandise qu'ils ont à vendre — leur force de travail — devrait monter (et montera tôt ou tard, de toute façon) dans une période d'inflation tout comme les prix des autres marchandises. Mais — Marx encore — ce faisant les travailleurs ne doivent pas
« Se laisser absorber exclusivement par ces escarmouches inévitables que font naître sans cesse les empiétements ininterrompus du capital ou les variations du marché. Il faut qu'ils comprennent que le régime actuel, avec toutes les misères dont il les accable, engendre en même temps les conditions matérielles et les formes sociales nécessaires pour la transformation économique de la société. Au lieu du mot d'ordre conservateur : “Un salaire équitable pour une journée de travail équitable ‘, ils doivent inscrire sur leur drapeau le mot d'ordre révolutionnaire : ‘Abolition du salariat !’ »
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