Le discours prononcé par Savary lors de la présentation de ce protocole d'accord cerne, sans détours, ce qui est présenté comme une collaboration entre Education et Armée. Après avoir indiqué que « l'ouverture de l'école, c'est aussi l'ouverture sur les problèmes et les réalités de la défense », Savary pose le problème de «la place, dans le temps privilégie qu'est le service national, des enseignants et du personnel de l'Education Nationale au sein de la mission de défense ».
L'introduction du protocole d'accord situe clairement l'objectif attribué à l'Education Nationale dont la mission serait « d'assurer sous la conduite des maîtres et des professeurs une éducation globale visant à former des futurs citoyens responsables, prêts à contribuer au développement et au rayonnement de leur pays ». Et, dans ce cadre-là est inclus « l'esprit de défense » présenté comme une attitude civique qui n'est pas limitée aux activités militaires ». Ainsi, on retrouve l'idée chère à Hernu qui indiquait dans Le Monde du 11 juillet 1981:
« Il faut arriver à l'armée préparés, et préparés par l'école, le lycée et l'université. Il faut une symbiose avec l'éducation nationale. »C'est ce que précise le protocole d'accord qui prévoit, entre autres, « l'établissement de relations régulières » entre l'armée et l'école, y compris par un « contrat direct avec les militaires du contingent ou d'active »... des « actions permettant aux élèves, dans le cadre des activités éducatives, d'obtenir une information directe dans les unités, sur la vie des armées, ou d'entrer en contact avec des militaires », « d'améliorer l'information des jeunes gens et des jeunes filles sur les nécessités de la défense et la finalité du service national. »
Même si le texte mentionne que le développement des rencontres au niveau local se fera sur la base du volontariat (pour l'instant!), il n'empêche que le contenu du protocole d'accord est une tentative ouverte de pénétration de l'armée dans les établissements scolaires afin de les transformer progressivement en antichambres des casernes.
Enfin, pour parfaire le conditionnement des enfants et des élèves, une commission mixte, composée de représentants du Ministère de la défense et du Ministère de l'Education Nationale, a été constituée « afin que l’on cesse de voir dans certains manuels scolaires, des passages scandaleusement antimilitaristes » (Charles Hernu a Villeurbanne, ville dont il est le maire, le 22 mai 1982, voir Le Monde du 25 mai). Rappelons qu'il s'agissait d'un manuel qui a reproduit une bande dessinée montrant qu'un croiseur coûtait autant que trois hôpitaux et une crèche, un escorteur autant que deux maisons de retraite....
Ainsi est marquée la volonté de transformer l'école en un puissant instrument de bourrage de crâne au service de l'appareil militaire. C'est d'ailleurs ce que recherchent tous les États parce que cela entre dans le cadre de leurs préparatifs de guerre.
Notre brochure Pour le socialisme mondial analyse bien ce phénomène:
« La population civile est également engagée dans les préparatifs de guerre (...) car le consentement des civils à s'engager pour combattre et soutenir la politique de guerre permet à un gouvernement de se sentir en position de force dans ses confrontations avec d'autres États. C'est pour quoi les gouvernements ne peuvent se permettre de laisser les idées pacifistes et antimilitaristes se répandre parmi leurs citoyens. Il est nécessaire d'insuffler a la population le patriotisme et la volonté de mourir, si besoin était, pour « leur patrie ». Ce processus commence très tôt dans la vie, dès l'école. »Il convient donc, aujourd'hui, de dénoncer les objectifs définis par le protocole d'accord Hernu-Savary. Cependant, il faut être conscient que le refus de l'embrigadement de la jeunesse des l'école n'a qu'une portée limitée même si s'inscrit dans une démarche socialiste de refus de servir de chair à canon. Lutter pour un véritable monde de paix, c'est lutter pour l'abolition du capitalisme qui est la cause des guerres, c'est lutter pour le socialisme mondial, c'est à dire un monde sans classes, sans salariat, sans frontières, sans armées, sans États.
(Socialisme Mondial 23, 1983)
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