La crise du Profit eut ainsi pour résultat de diviser le monde capitaliste en deux groupes d'États : ceux qui possédaient ou contrôlaient or et matières premières et les autres. The Have et The Have not, comme disaient les Anglais. En 1937, huit nations (États-Unis, Angleterre, France, Pays-Bas, Suisse, Belgique, Argentine, Suède) détenaient 92 % du stock d'or mondial et, parmi elles, les trois premières : France, Angleterre, États-Unis, en possédaient à elles seules 80 %. Ces trois pays avaient, en effet, une encaisse de 16.424.000 kilogrammes d'or fin, alors que les réserves d'or de l'Allemagne, de l'Italie et du Japon n'atteignaient pas 736.000 kilogrammes.Cette inégalité des conditions matérielles allait avoir des conséquences considérables sur la structure économique et politique des différents groupes d'États. Alors que les pays riches en or conservèrent tant bien que mal leur régime économique et politique, les autres, au contraire, accrurent à un degré inconnu jusqu'alors, les mesures de contrainte économique et politique. Car l'un ne va pas sans l'autre. Pour imposer des mesures de contrainte économique, il faut, évidemment, un pouvoir dictatorial, une soumission complète de la nation à l’Etat qui représente et défend les intérêts supérieurs du capitalisme national et qui prend, en conséquence, toutes les mesures de salut capitaliste pour assurer l'ordre et sauver le Profit. Manquant de matières premières et d'or, les capitalismes les plus pauvres ne pourront se payer le « luxe » d'une démocratie, même de façade. Car ils ne pourront tolérer ni grèves, ni revendications sociales qui risqueraient de faire effondrer l'édifice branlant de leur Économie. Ainsi, la différence des conditions matérielles engendrera-t-elle la différence des régimes économiques et politiques.Ainsi de nécessité en nécessité, l'État allemand en était arrive à prendre la direction de l'économe tout entière. Pour sauver le Profit, il lui avait fallu se rendre maître des prix intérieurs, maître de la monnaie, maître des échanges avec l'étranger, maître du crédit. Dans les pays les moins riches en débouchés naturels et en matières premières, le capitalisme prit par la force des choses une forme étatique et autoritaire. L'Allemagne, puis l'Italie et le Japon, tendirent ainsi à constituer des cellules économiques isolées monétairement, financièrement, commercialement, du reste du monde, dans lesquelles le cycle des échanges se faisant en circuit fermé, échappait à l'influence du marché mondial. Le capitalisme, dans ces pays, revêtait un caractère « national » parce qu'il s'opposait au capitalisme « international », c'est-à-dire au capitalisme basé sur la liberté du commerce des monnaies et l’or. Poussés à l'autarcie par leurs nécessités propres, l'Allemagne, l'Italie et le Japon, furent amenés à rompre avec les conceptions capitalistes traditionnelles, en substituant le marché fermé au marché ouvert, le commerce bilatéral au commerce multilatéral, les échanges par compensation aux échanges libres, le capitalisme étatique au capitalisme individualiste, les monnaies « artificielles » aux monnaies gagées sur l’or.
L'expansion commerciale germano-nippone et la création de « sphères autarciques » en Europe et en Asie devaient provoquer des réactions inévitables de la part de leurs concurrents.Nous avons vu en effet qu'à la suite de la crise et du rétrécissement des débouchés extérieurs, un pays capitaliste ne pouvait accroître, sur un marché, le volume de ses exportations qu'en évinçant ses concurrents. L'expansion commerciale du Japon et de l'Allemagne en Asie, en Europe centrale et en Amérique du Sud devait donc nécessairement se faire aux dépens du commerce d'autres puissances.On constate donc que ce sont les mêmes pays qui faisaient les frais de l'augmentation des exportations germano-nippones. Or, l'Angleterre et les États-Unis pouvaient-ils accepter cette régression de leur commerce en Europe, en Asie et en Amérique ? Une entente était-elle quand même réalisable entre les deux groupes de pays, sur la base des conquêtes commerciales du Japon et de l'Allemagne ? La paix pouvait-elle être maintenue, en dépit de l'expansion économique des pays totalitaires ? Certains l'ont cru qui ont admis la possibilité d'un compromis : L'Allemagne, l'Italie et le Japon se seraient contentes des territoires conquis économiquement et politiquement jusqu'en 1939 et les « démocraties » auraient renoncé à reprendre les positions perdues en Europe et en Chine. Ces pacifistes (Emery et sa suite) voyaient, dans la création des blocs économiques allemands et japonais, à côté des empires anglais et français, et d'un bloc américain sous la tutelle yankee, des gages de paix. Bel exemple des illusions du pacifisme idéaliste ! Pour croire à la viabilité d'un tel compromis, il fallait n'avoir rien compris aux nécessités du régime capitaliste, rien compris aux conditions particulières des échanges après la crise de 1929, rien compris aux conditions fondamentales de la paix. En réalité, toute entente prolongée était rigoureusement impossible entre les États autarciques et les autres grandes puissances. Car les unes ne pouvaient accepter de considérer les conquêtes de l'Allemagne, de l'Italie et du Japon, comme des conquêtes définitives et les autres ne pouvaient pas davantage arrêter leur expansion aux limites de 1939.L'impossibilité du régime échangiste à fournir normalement et régulièrement les matières premières essentielles à tous les pays, divisa le monde en deux groupes antagonistes : celui des nations dites « insatisfaites » qui réunissait les impérialismes derniers-nés : Allemagne, Italie et Japon, et celui des nations prétendues « satisfaites », Empire britannique, Empire français et États-Unis. Cet antagonisme ne pouvait pas plus que l'antagonisme commercial, recevoir de solution pacifique.Le premier groupe cherchera à s'emparer, par tous les moyens, des richesses naturelles qu'il ne peut se procurer autrement, et le second résistera, égalaient avec violence, à une dépossession qui l'aurait ruiné. La puissance mondiale de la City de Londres dépendait en effet, du contrôle des matières premières et financières. Y renoncer, c'eût été abdiquer.Les impérialismes les plus riches étaient donc dans l'incapacité de faire la moindre concession aux impérialismes les moins riches. Le capitalisme ne peut pas davantage résoudre pacifiquement les inégalités entre nations que les inégalités entre les classes sociales. En régime échangiste, tout s'échange, rien ne se donne. Le riche n'est pas libre d'être généreux et l'aumône, quand elle est régulière, s'inscrit dans les prix de revient. Ainsi la guerre était-elle inévitable. Elle l'était d'autant plus que les États autarciques, non seulement ne pouvaient plus reculer, mais étaient obligés d'aller encore plus loin dans la voie des conquêtes.
jeudi 3 septembre 2009
Les racines économiques de la deuxième guerre mondiale
Ce jour, le 3 septembre il y a 70 ans la Guerre mondiale de 1939-45 éclata. On dit souvent qu’il s’agissait d’une guerre entre la Démocratie et le Fascisme, voire entre la Civilisation et la Barbarie. Cependant en réalité il s'agissait d'un conflit d'intérêts matériels, à propos de débouchés, de sources de matières premières et d'itinéraires commerciaux, entre deux blocs rivaux de puissances impérialistes. L'origine économique de la deuxième guerre mondiale a été bien expliqué dans un livre de Henri Claude, De la crise économique à la guerre mondiale, écrit (avant qu'il ne soit passé au PCF) pendant la guerre et publié en 1945, dont nous publions des extraits ci-dessous. Si la structure économique capitaliste du monde était responsable de la guerre, c'est au capitalisme, et non pas à la méchanceté de certains hommes, qu'il faut attribuer tous les crimes, toutes les horreurs, toutes les barbaries que cette guerre a entraînés.
Inscription à :
Publier les commentaires (Atom)
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire