Le capitalisme est en crise. C'est une évidence. Mais quelle est la signification de cette crise ? Est-ce qu'il s'agit, comme d'aucuns prétendent, d’une manifestation de la « crise mortelle du capitalisme, asphyxié par le manque de débouchés pour sa production » ?
D’après le « Courant Communiste International » parmi d'autres par exemple, la crise actuelle représente l’effondrement de la politique poursuivie par les capitalistes pour surmonter un manque chronique de débouchés :
« Pour empêcher que l'économie ne soit à nouveau submergée par la surproduction et ne se bloque, ils ont eu recours à un artifice : l'endettement systématique et généralisé. Par cet endettement des Etats, des entreprises et des particuliers, « la demande » s'est maintenue à peu près au niveau de « l'offre » ; autrement dit, les marchandises se sont écoulées à coup d'emprunts. Mais l'endettement n'est qu'un palliatif, il ne guérit pas le capitalisme de la maladie de la surproduction. » (Révolution internationale, 3 septembre 2008)
Cette explication présuppose que le capitalisme souffre d’une maladie chronique de surproduction, d'un déséquilibre chronique entre l’offre et la demande, et effectivement c’est ce que le CCI croit:
« Le capitalisme est déchiré par la contradiction suivante : la production en son sein ne se fait pas pour la satisfaction des besoins humains mais au contraire, a comme moteur essentiel la recherche du profit. Cette logique du profit s'exprime d'une part par la nécessité pour les capitalistes de soutirer un surtravail, une plus-value maximale à la classe ouvrière, ce qui est le rapport d'exploitation capitaliste, et d'autre part par le besoin impérieux de trouver des débouchés solvables pour la réalisation de ce surproduit, sous peine de ne plus être en mesure de poursuivre l'accumulation : l'absence de ces marchés provoque alors la crise de surproduction ( . . .)
Comme ce ne sont ni les capitalistes ni les ouvriers qui peuvent réaliser cette partie de la production qui permettre l'accumulation, les capitalistes sont poussés à trouver des marchés en dehors de leurs propres sphères pour écouler ce surproduit. Telle est la raison des conquêtes coloniales. De même, c'est dans l'insuffisance de ces marchés eux-mêmes, devenus trop étroits à la longue que pour pouvoir absorber la masse croissante de plus-value, que les guerres impérialistes plongent leurs racines. Dès 1914, le capitalisme montre sa faillite : la saturation des marchés extra-capitalistes l'entraîne en effet dans une ère de décadence où son seul mode de vie possible est le suivant : crises, guerre, reconstructions . . . » (Internationalisme 70, novembre/décembre 1982).
A première vue, cette thèse semble assez plausible, mais en l'examinant de plus près, on voit ses insuffisances, pour ne pas dire ses erreurs.
Le défaut de ce raisonnement se trouve dans l'affirmation que « Ce ne sont ni les capitalistes entre eux, ni les ouvriers qui peuvent réaliser cette partie de la production qui permettra l'accumulation ». Evidemment, les travailleurs ne le peuvent pas - ils ne peuvent acheter avec leur salaire que la partie de la production qui correspond à la valeur de leur force de travail - mais pourquoi les capitalistes ne peuvent-ils le faire « entre eux » ?
Imaginons qu'il n'existe que deux capitalistes, tous les deux ayant un surproduit à écouler. Qu'est-ce qui empêche qu'ils échangent leurs surproduits respectifs entre eux, ainsi réalisant la plus-value qu'ils contiennent ? Il est vrai qu'ils pourraient, tous les deux, aussi chercher des acheteurs extra-capitalistes, mais pourquoi seraient-ils obligés par nécessité économique de le faire ?
Cet exemple est très, même peut-être trop simplifié mais le principe reste le même indépendamment du nombre de capitalistes, qu'ils soient deux ou deux cents milles. C'est donc par les échanges intra-capitalistes que la plus-value se réalise, ou du moins peut en principe se réaliser car les marchés extra-capitalistes ont effectivement joué un rôle important dans la naissance et le développement du capitalisme mondial.
Dire que le capitalisme peut écouler dans son propre sein toute sa production, y compris la partie représentant la plus-value soutirée aux travailleurs, n'est pas dire que ceci se fait sans problème. Loin de là. Comme la crise actuelle le montre, l'accumulation du capital n'est pas un processus régulier et continu, mais un processus cyclique avec des hauts et des bas, des périodes de boom des périodes de stagnation successives. La croissance sous le capitalisme se fait en dents de scie et ne peut se faire autrement vu l'anarchie de production qui y règne.
Accepter que le capitalisme ne s'effondrera pas de lui-même n'affaiblit pas la cause socialiste. Le capitalisme reste un système dépassé, « décadent » si l'on veut, dans le sens historique : dès le début du siècle il avait rempli son rôle de construire le fondement matériel pour une société mondiale d'abondance, mais il n'a pas été capable d'en faire profiter l'humanité puisque c'est un système basé sur le monopole des moyens de production dans les mains d'une minorité et orienté vers la recherche de profits et non pas vers la satisfaction des besoins humains.
Donc, ce n’est pas la « crise ultime » du capitalisme. De toutes façons cette crise-là ne sera pas économique mais politique et elle arrivera dès qu’une majorité de la classe travailleuse décide de se débarrasser du système. Le capitalisme ne s'effondrera jamais de lui-même ; il continuera de crise en crise jusqu'au moment où les travailleurs s'organiseront consciemment pour y mettre fin par un acte politique.