dimanche 26 octobre 2008

Un peu d'histoire

Voici deux extraits de Sur les traces de l’anarchisme au québec (1860-1960) par Mathieu Houle-Courcelles qui vient de paraître chez Editions Lux.



UN MARXISTE LIBERTAIRE : ALBERT SAINT-MARTIN

D'après l'auteur Claude Larivière, c'est le militant socialiste canadien-français Albert Saint-Martin qui aurait loué le Temple du travail pour les conférences d'Emma Goldman à Montréal (Claude Larivière, Albert Saint-Martin, militant d'avant-garde (1865-1947), Montréal, Editions coopératives Albert Saint-Martin, 1979, p. 97). Membre influent de la section francophone du Parti socialiste du Canada (PSC), Albert Saint-Martin (1865-1947) est un personnage clé de l'histoire des idées révolutionnaires au Québec, l’originalité de ses positions mérite qu'on s'attarde quelque peu sur ses activités. Sans être anarchiste, Saint-Martin a su développer tout au long de sa vie une pratique politique à la croisée du socialisme, du marxisme et de l’anarchisme. Saint-Martin participe également à la diffusion de l'esperanto, une langue universelle en laquelle de nombreux libertaires fondent beaucoup d'espoir. Dans l'esprit de ses propagateurs, l'esperanto doit permettre aux prolétaires de tous les pays d'harmoniser leurs intérêts par l'usage d'une nouvelle langue commune. C'est ainsi que Saint-Martin participe en 1902 à la création d'une revue publiée dans cette langue, intitulée La Lumo (La Lumière) : « La Lumo enseigne une langue. Elle répand aussi un idéal: l'unité fraternelle des peuples et des races; la lutte commune pour l'intelligence et la science. »

Trois ans plus tard, Saint-Martin participe à l’ouverture du premier club esperanto à Montréal. Il vit alors dans une « commune socialiste » dans le quartier Maisonneuve en compagnie des membres de sa famille et de quelques militants francophones avec lesquels il va ouvrir deux magasins d'alimentation coopératifs au centre-ville. Aux yeux de certains socialistes, Saint-Martin est un militant « différent » alors que pour d'autres, il est tout simplement « original ». Sa trajectoire l'amènera à militer d'abord au Parti ouvrier (travailliste) d'où il sera expulsé en 1907 à cause de son affiliation au PSC, une organisation marxiste qualifiée par certains de libertaire pour sa critique anticapitaliste, antiréformiste et antiétatique (Larry Gambone, The Impossiblists, Nanaimo (CB), Red Lion Press, 1995, p. 3). Pour ces raisons, le PSC refuse d'adhérer à la Deuxième Internationale et demeure très critique à l’égard des syndicats de métier. Nous reviendrons plus en détail sur le PSC et les activités d'Albert Saint-Martin dans le prochain chapitre, d'autant plus qu'avant 1911 (l’année d'une scission importante avec son aile sociale-démocrate), cette organisation politique semble s'intéresser davantage à la propagande électorale qu'à l’action directe.
(pp. 66-68)

et
Avant que n'éclate le premier conflit mondial, le mouvement révolutionnaire au Québec est largement dominé par le PSC. Le principal porte-parole francophone de cette organisation, le sténographe Albert Saint-Martin, est un marxiste antiautoritaire bien connu du grand public. Ses idées se rapprochent à l'occasion des thèses libertaires, tout comme certaines des revendications du PSC. En témoigne le programme du parti diffusé en 1911 :

1. Abolir la propriété privée des moyens de se procurer la nourriture, les vêtements et le logement.
2. Rendre propriétés collectives le sol, les chemins de fer, les services publics, les usines, les mines et les inventions.
3. Assurer la gestion et l'organisation démocratique de l'industrie par le peuple, pour le peuple.
4. Produire les nécessités de la vie pour leur usage plutôt que pour le profit.
5. Voir à ce que chacun possède le droit de travailler et de gagner sa vie.
6. Voir à ce que personne, à l'exception des enfants et des malades, ne puisse vivre aux dépens des autres. (Claude Larivière (1979), op. cit., p. 108. 102)

Si les pratiques quotidiennes du PSC s'éloignent très souvent de l'anarchisme, celles de Saint-Martin sont nettement plus intéressantes. En 1910, Saint-Martin fait partie d'un groupe qui décide d'acheter des terres agricoles au Lac des Écorces, non loin de Mont-Laurier. Avec quelques immigrants français, il s'y établira pendant la guerre, fondant en pleine campagne québécoise un « milieu libre » sous la forme d'une ferme collective autogérée. (pp.101-102)

C'est vrai, nous ne sommes pas des anarchistes tout en étant antiétatiques.

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