Il y a en réalité, deux sortes de rêves et deux sortes de rêveurs. Certains rêves sont de simples rêveries sans forme précise et qui ne mènent jamais à la moindre action, alors que d'autres sont si nets et si forts dans l'esprit du rêveur que celui-ci cesse de rêver pour se mettre à agir afin que son rêve devienne réalité. Ce genre de rêve est un des grands motivateurs de l'humanité et se trouve à l'origine de la plu part des grandes réalisations. Le travail humain fait le reste.
Imaginons deux êtres humains dans un passé plus ou moins lointain, allongés tranquillement au bord d'une rivière et regardant passer les oiseaux au-dessus de leur tête. Leur rêverie suit le vol des animaux ailés et l'un d'eux s'exclame soudain : « Ça doit être drôlement bien de voler, comme ça, dans le ciel et de voir le monde d'en haut ». L'autre répond : « A quoi bon penser à ça ? Tu te vois voler avec tes bras et tes jambes et ta grosse tête ? Ce n'est pas dans ta nature de voler et tu n'as qu'à t'y résigner. » Mais dans l'esprit de celui dont l'imagination est la plus forte, le rêve a pris racine et les mots « comment faire ? » se sont formés silencieusement sur ses lèvres. Ce rêve, comme tant d'autres, naîtra dans d'autres esprits, se transmettra, et même si au XVe siècle, Léonard de Vinci ne pouvait encore que dessiner d'ingénieuses machines à voler, il ne perdait pas pour autant son temps, car aujourd'hui l'être humain vole plus haut, plus vite et plus loin que n'importe laquelle des créatures ailées. Malgré le fait que la « nature humaine » n'était pas de voler.
Mais la « nature humaine » n'est pas une donnée fixe. Elle semble limiter énormément l'être humain mais celui-ci, par son travail physique et intellectuel crée, à chaque moment de son histoire, de nouvelles conditions qui ouvrent la porte à de nouvelles idées qui à leur tour font entrevoir de nouvelles possibilités et naître de nouveaux rêves. Les forces naturelles, autre fois toutes-puissantes ne jouent plus qu'un rôle secondaire dans le destin de l'humanité et elles sont aujourd'hui remplacées, en particulier dans les pays développés du monde par les forces sociales et économiques, elles-mêmes crées par l'activité humaine.
Si les hommes et les femmes se considèrent compétitifs, agressifs, paresseux, égoïstes et donc incapables de vivre dans un système social tel que le socialisme, c'est parce que le système social dans lequel ils vivent fait ressortir en eux ces qualités. Ce système est lui-même basé sur l'égoïsme (nécessité absolue de l'accumulation du capital), la compétition (rivalité entre possesseurs de capital), l'agression (nécessité d'étendre et de défendre marchés et sources de matières premières), la paresse (la classe possédante et donc dominante n'a pas besoin de travailler et le fait de ne pas travailler devient un des critères du succès).
Ce qui s'oppose à une transformation radicale du système social ce n'est donc pas la « nature humaine », mais la prise de conscience, de la part de la majorité des travailleurs, hommes et femmes, du fait que ce sont eux qui créent, par leur travail, les conditions matérielles et sociales dans les quelles ils vivent et qu'il est donc en leur pouvoir de les changer s'ils le désirent.
Pourquoi cette prise de conscience ne se fait-elle pas en masse, dans toute société, ou du moins dans tous les pays avancés du monde ? Pourquoi les gens ne décident-ils pas de mettre fin à leurs difficultés matérielles et psychologiques en créant des conditions qui auront désormais pour but l'intérêt et le bonheur de l'humanité ? Il y a à cela une raison très simple. Le système actuel profite matériellement à une partie de notre société et cette partie, bien que très petite (environ 5 %) a le pou voir, grâce à son monopole des médias, d'imposer certaines idées et d'empêcher les autres, celles qui lui déplaisent, de se répandre. Elle fait donc absolument tout ce qu'elle peut, d'ailleurs aveuglément, pour conserver le statu quo. Je dis aveuglément car même pour cette minorité, un système social qu'elle n'arrive pas à contrôler et qui pourrait mener, d'un moment à l'autre, à l'anéantissement total de l'humanité, et donc d'elle-même, n'est pas sans inconvénients.
Lorsque l'on comprend cela, on comprend que les gens qui s'obstinent à imaginer un monde différent et à vouloir frapper aussi l'imagination de ceux qui restent prisonniers de leur réalité immédiate, que ces gens qui non seulement s'accrochent à leur rêve, mais y travaillent avec acharne ment en luttant contre les idées qu'on leur impose, en affirmant les leurs, on comprend que ces gens ne sont pas simplement des « rêveurs » mais des personnes décidées à tout faire pour transformer leur « rêve » en réalité.
L'idée du socialisme est, comme l'idée de voler, un de ces rêves qui semblent aussi vieux que l'humanité elle-même et qui a peut-être ses racines dans la réalité sociale de la longue préhistoire de l'espèce humaine. Le fait que ce rêve ne soit pas encore réalisé indique non pas qu'il est irréalisable mais seulement que les hom mes n'ont pas encore commencé à y travailler.
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